Il était l’un des visages du cinéma d’art et essai. L’exploitant de salles Jean-Marie Rodon, cofondateur des mythiques cinéma du quartier Latin, s’est éteint ce vendredi 11 mars 2016, à 78 ans.
La cinéaste Elise Girard nous apprend que Jean-Marie Rodon s’est éteint vendredi dernier des suites d’une longue maladie. « Jean-Marie qui ? », se demanderont la plupart de nos lecteurs. Pour ceux qui ont grandi à Paris et en cinéphilie dans les années 60, 70, 80, 90, le nom de Jean-Marie Rodon (et celui de son ex-associé Jean-Max Causse) restera indissolublement lié au circuit de salles Action qui depuis le quartier La Fayette s’était disséminé dans Paris, à République, puis au Quartier Latin. En ces années où n’existaient pas internet, YouTube, pas plus que les dvd ou cassettes, Causse et Rodon avaient contribué à faire notre éducation de spectateur.
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Un temple du cinéma
Nous n’oublierons jamais que c’est dans leurs salles que nous avons découvert tout l’âge d’or du cinéma hollywoodien, de John Ford à Ernst Lubitsch, du film noir au western, de Cary Grant à Rita Hayworth, de Marlene à Maryline, ou du Duke à Bogey. C’est également chez eux que nous avons vu pour la première fois des œuvres de cinéastes contemporains tels que Jim Jarmush, Serge Bozon, Damien Odoul ou Gaspar Noé. A titre personnel, mes années lycée et fac me reviennent à l’esprit, avec ces moments délicieux entre les cours (ou pendant) où je prenais le métro pour la rue Christine ou la rue des Ecoles, avec une copine, un copain, ou seul, pour découvrir toutes ces merveilles difficiles d’accès à l’époque. Aller aux Action, y faire la queue au milieu d’un public partageant les mêmes affinités électives, c’était un plaisir et un rituel, la construction d’une culture et le sentiment d’appartenance à une famille virtuelle. Et leurs salles étaient géographiquement plus accessibles que celles de la Cinémathèque version Chaillot.
Bien sûr, avec l’évolution technologique, les Action et les salles de « répertoire » ont pris un coup dans l’aile. De nos jours, on peut voir n’importe quel Hitchcock d’un coup de clic. Ces dernières années, Causse et Rodon ont divorcé, le circuit Action s’est rétréci comme un territoire indien dans un western au fur et à mesure des cessions et réductions de capital, mais Rodon a maintenu la barque Action contre vents et marées, tel le dernier des Mohicans. Causse poursuit ce travail de niche à la Filmothèque, Rodon a fini par déposer les armes et rendre l’âme. A l’instar des Patrick Brion ou Claude Jean-Philippe, il fut un passeur essentiel, aussi discret que fondamental.
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