Un habile et sensible documentaire qui infiltre la maison Dior en pleine révolution post-Galliano.
En février 2011, la maison Dior traverse l’une des pires crises de son histoire après le départ de son directeur artistique, John Galliano, capturé par des images amateurs en plein délire antisémite dans les rues de Paris.
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Un an plus tard, la marque recrute le très discret créateur belge Raf Simons pour lui succéder, avec pour mission de créer la prochaine collection en moins de huit semaines.
Formé au minimalisme et à l’épure moderniste, le nouveau designer devra réussir dans ce court laps de temps à fondre son style dans l’héritage Dior, tout en gérant une entreprise fragilisée, soumise à une brutale réorganisation de ses ateliers.
Un accès inédit aux coulisses de la maison de haute couture
C’est cette double révolution – esthétique, sociale – que met en scène le documentariste Frédéric Tcheng, réalisateur de mode français repéré pour avoir cosigné Diana Vreeland: The Eye Has to Travel, un bel hommage à la mythique tête chercheuse du Vogue américain.
Bénéficiant d’un accès inédit aux coulisses de la maison de haute couture (au prix, on s’en doute, de certains petits arrangements, le nom de Galliano n’étant par exemple jamais cité), le cinéaste infiltre l’écosystème de la mode au rythme d’un récit choral, un portrait composite et égalitaire qui passe de l’ombre des ateliers, où s’échinent les petites mains ouvrières, au luxe des podiums.
Cette articulation habile entre artisanat et business, esthétique et industrie, renvoie évidemment à l’œuvre de Frederick Wiseman, qui n’a cessé de décrire les institutions artistiques comme autant de petites entreprises humaines, régies selon des codes très figés.
Huit semaines de travail intense et de conflits humains
Mais c’est avant tout dans ses partis pris de mise en scène que Dior et moi évoque le maître américain, dans sa manière de circonscrire son sujet via d’infinis détails captés à partir de points stratégiques : salles d’essayage, coulisses, ascenseur, bureaux, et autres lieux interdits où se raconte sans filtre la création de mode.
Le geste a ceci de paradoxal qu’il normalise le milieu de la haute couture tout en lui redonnant une aura mythique : au terme de huit semaines de travail intense et de conflits humains, la vue de la collection enfin achevée a quelque chose de l’ordre de l’apparition fantasmatique, surréelle.
Belle et sensible façon de rendre hommage à Raf Simons, dont les créations pop et futuristes se nourrissent autant d’une tradition prestigieuse de la mode que des arts de la rue.
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