L’ex-enfant prodige, superstar à 23 ans, est l’objet d’un portrait qui n’explore que superficiellement le dialogue passionnant instauré entre l’acteur et ses personnages.
Dans un entretien donné à Konbini, Gérard Depardieu ose une phrase sur Leonardo DiCaprio : “C’était un acteur à peu près libre et depuis qu’il s’est mis avec Scorsese, ça y est… C’est un mec qui enlève la joie de l’acteur.” Constat génialement cruel, totalement juste pour qui s’en tiendrait à la surface du phénomène.
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Avec d’autres, DiCaprio incarne le stade bodybuildé de la méthode Actors Studio, qu’il revêt d’une conscience malheureuse frôlant parfois la putréfaction. Jusque dans ses accès de sauvagerie, l’acteur évoque la bête bien dressée, asphyxiée par sa virtuosité et qui tourne en rond dans la cage de films majestueux, ou qui se rêvent comme tels.
De James Cameron à Tarantino, Most Wanted!, documentaire consacré à l’acteur, revient sur cette carrière scandée en plusieurs étapes : l’enfant acteur prodige déjà converti aux performances (aussi à l’aise dans le rôle de Rimbaud que dans celui d’un handicapé), l’événement Titanic (1997) qui le consacre comme figure romantique indépassable – un boys band à lui tout seul, qui traîne ses allures d’éphèbe comme un fardeau et dont L’Homme au masque de fer (Randall Wallace, 1998) pourrait être la métaphore.
DiCaprio excelle dans des rôles d’hommes aveuglés par leur envie de bien faire
On regrette qu’avec un sujet aussi magnifique, Most Wanted! s’en tienne au minimum syndical, brassant les grandes étapes d’une filmographie sans jamais tenter de faire confiance à ce que disent les films, et commettant quelques oublis majeurs, comme l’évocation d’Arrête-moi si tu peux de Steven Spielberg (2002), point de bascule d’une carrière qui se voudrait adulte, d’un corps qui grandira sous le regard des plus grands cinéastes américains et d’une figure quasi paternelle, Martin Scorsese.
DiCaprio y joue Frank Abagnale Jr., escroc prodigieux et éternel gamin amoureux des uniformes que portent les adultes – tour à tour il se fait passer pour pilote, avocat, médecin. Tout est dit, splendidement, de l’acteur : l’histoire d’un gosse qui joue au grand en espérant, à force, pouvoir en devenir un. On retrouvera ce motif dans Aviator (Scorsese, 2004) ou J. Edgar (Eastwood, 2011). DiCaprio excelle dans des rôles d’hommes aveuglés par leur envie de bien faire, isolés par leur ambition et qui, à un moment précis, ne peuvent s’empêcher de montrer la part d’enfance que contient cette hubris – FBI ou avions, tout est affaire de gros jouets.
S’il ne fallait retenir qu’une scène, ce serait celle où Abagnale, désormais pilote, ose demander un verre de lait avant le décollage – l’acteur lève un visage désarmant de candeur vers l’hôtesse de l’air. Gérard a sans doute raison, DiCaprio a transformé le jeu d’acteur en affaire très sérieuse – et il n’y a pas plus sérieux qu’un·e enfant.
Leonardo DiCaprio: Most Wanted! d’Henrike Sandner (All., 2020, 52 min). Sur Arte le 14 février à 22h50 et sur arte.tv jusqu’au 6 mars
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