Le 28 fevrier prochain, l’acteur remportera peut-être sa première statuette pour « The revenant » de Alejandro Inarritu (sortie le 24 fevrier).
Sa potentielle victoire, le 28 février, pour The Revenant, briserait une malédiction de près de vingt ans, qui a vu le plus grand comédien américain de sa génération boudé à répétition par l’académie des oscars. Retour en dix points sur une histoire malheureuse.
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1/ 1994 : Gilbert Grape
Premier film hollywoodien du cinéaste suédois Lasse Hallstrom, Gilbert Grape surfe sur la hype croissante de la jeune star Johnny Depp, tout juste révélé au cinéma par John Waters (Cry baby) et Tim Burton (Edward aux mains d’argent). Mais si la plupart des spectateurs entrent pour voir le jeune premier grunge (cheveux longs et Kurt Cobain attitude), presque tous ressortent ébahis devant la performance du gamin qui joue son jeune frère handicapé mental. Ceux qui n’avaient pas déjà vu le jeune Leonardo DiCaprio face à De Niro quelques mois plus tôt dans Blessures secrètes ont même pensé que le rôle était interprété par un vrai handicapé. Le comédien, âgé de 19 ans, restitue la gestuelle atypique et la diction balbutiante d’un infirme sans jamais tomber dans la singerie embarrassante. Il trouve une vérité intérieure au-delà de la composition qui rend la performance bouleversante. L’Académie des Oscars ne passe pas à côté de cette révélation et Léonardo obtient sa première nomination dans la catégorie Second rôle. Première déconvenue : c’est le vieux routier Tommy Lee Jones qui rafle la statuette pour son rôle de flic tenace dans Le fugitif.
2/ 1998 : Titanic
Sorti fin 97, Titanic domine l’édition 98 des oscars, raflant pas moins de 11 statuettes (sur 14 nominations). Le film de James Cameron égale ainsi le record détenu par Ben-Hur depuis 1959. La statuette échappe néanmoins à Kate Winslet (au profit de Helen Hunt pour Pour le pire et le meilleur). Quant à Léonardo, à la sidération générale, il n’est même pas nommé ! Furax, le poster-boy le plus adulé du moment refuse d’accompagner ses partenaires à la cérémonie. « I’m the king of the world » certes, mais pas aux yeux des vieilles badernes de l’Académie.
3/ 2003 : Arrête-moi si tu peux / Gangs of New-York
L’effet-Titanic, la redite. Cette année-là, Gangs of New-york domine les nominations avec pas moins de dix citations. Et comme pour Titanic, son partenaire, Daniel Day-Lewis, est nommé, mais pas lui. Finalement personne n’aura de statuette (Chicago reçoit celle de meilleur film ; Adrien Brody celle de meilleur acteur pour Le pianiste). Mais l’absence de Di Caprio des nominations est un nouveau camouflet. D’autant plus que l’acteur trouve la même année un de ses rôles les plus bouleversants en orphelin mythomane dans Arrête moi si tu peux de Steven des votants Spielberg, mais ne trouve pas davantage les faveurs des votants. L’image d’idole teen qui lui colle à la peau depuis Titanic parait enfreindre sa crédibilité de comédien aux yeux de l’establishment. La trentaine approchante va peut-être réparer cette injustice
4/ 2005 : Aviator
Bingo : son incarnation polymorphe du producteur Howard Hughes, tour à tour sémillant wonder boy et ermite dépenaillé rongé par ses tocs, lui vaut sa première nomination dans la catégorie Meilleur acteur. Mais c’est le favori Jamie Foxx dans Ray, pour une de ces prestations mimétiques qui rapporte presque systématiquement un oscar (que l’exercice de contrefaçon porte sur Ray Charles, Edith Piaf, Elizabeth II, Abraham Lincoln ou Margaret Thatcher).
5/ 2007 : Blood diamond et Les infiltrés
La troisième collaboration Scorsese/DiCaprio vaut au cinéaste sa première victoire aux oscars (après de nombreuses nominations infructueuses). Les infiltrés remporte l’oscar du Meilleur Film et du Meilleur Réalisateur. Mais curieusement, c’est pour un autre film, plus mineur, Blood Diamond de Edward Zwick, que Léonardo est nommé en Meilleur Acteur (pour la deuxième fois donc). Gros outsider dans les pronostics, il est battu par Forest Whitaker pour Le dernier roi d’Ecosse.
6/ 2009 : Les noces rebelles
Plus de dix ans après, le couple de Titanic se reforme. A la romance sublimée par la mort de l’aristo et du prolo sur un bateau se substitue l’étude clinique de la décomposition d’un couple en intérieur domestique fifties (Mad Men style). Winslet et DiCaprio sont exceptionnels dans Les noces rebelles de Sam Mendes. Leur face-à-face éruptif évoque les scènes de ménage homériques du couple Taylor/Burton (Qui a peur de Virginia Woolf ?, La mégère apprivoisée…). Si ni l’un ni l’autre ne sont nommés pour le film, Kate Winslet remporte quand même l’oscar de la Meilleur Actrice cette année-là pour un autre film, The Reader. Encore une possible petite vexation pour Léo.
7/ 2011 : Inception et Shutter Island
Avec son premier Christopher Nolan et son quatrième Scorsese, Leonardo obtient deux nouveaux gros succès publics. Shutter island comporte une scène, celle où il découvre le cadavre de ses enfants en poussant un cri de bête, qui restera probablement comme un sommet absolu de son génie expressif. Mais le film est snobé par les oscars. En revanche, Inception est nommé dans de multiples catégories (dont Meilleur Film) mais pas pour son acteur. Après l’embellie du milieu des années 2000, l’acteur semble à nouveau stigmatisé par l’Académie.
8/ 2012 : J Edgar
Encore un grand rôle, celui de Hoover, chef ultra-conservateur du FBI et homosexuel honteux, encore un grand cinéaste accroché à son palmarès (Clint Eastwood), et cette année encore, pas de nomination à l’arrivée.
9/ 2014 : Le loup de Wall Street
Premier signe d’un retour en grâce : sa composition de trader débauché vaut à l’acteur sa première nomination depuis sept ans. Mais c’est un de ses partenaires du Loup de Wall Street (le temps d’une scène mémorable) qui le bat cette année-là dans un autre film : Matthew McConaughey pour Dallas Buyers club.
10/ 2016 : The revenant
Là sérieusement, on ne voit pas comment la statuette pourrait lui échapper. Le film est un énorme succès. Sa performance, loin d’être une des plus passionnantes de sa carrière, est de celle qui impressionne beaucoup l’Académie : exploit physique, scènes de paralysie, gros boulot de maquillage et d’amaigrissement pour avoir l’air d’un hère affamé, quasi-mutisme sur les trois-quarts du film. Tout semble paramétré pour que cette fois la machine à perdre soit enrayée. Inarritu, dont on sait depuis au moins Birdman le gout pour les mises en abîme, parait même jouer d’une certaine confusion entre les efforts démesurés du personnage (pour survivre en milieu hostile) et ceux du comédien (pour obtenir un oscar face à des votants historiquement hostiles). L’acteur devrait triompher comme son personnage (malgré la concurrence de Matt Damon, Bryan Cranston, Michael Fassbender et Eddie Redmayne). Réponse le 28 fevrier.
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