Le primo-cinéaste Fabien Gorgeart libère le débat sur la GPA avec une comédie fine et gracieuse.
Reste-t-il un lieu, un thème, que la jeune comédie française n’ait pas aujourd’hui l’audace de défricher ? On la sent aventureuse, le nez au vent, à l’aise dans son époque et prête à en découdre avec le mal contemporain. Après la folie institutionnelle des années 1980 chez Peretjatko (La Loi de la jungle), les dérives écologiques avec Thomas Cailley (Les Combattants), la solitude urbaine vue par Justine Triet (Victoria) – pour ne citer qu’eux –, Fabien Gorgeart s’empare d’un sujet social qui fait encore débat et le passe au crible d’un humour taquin.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Diane (Clotilde Hesme) est une jeune femme désinvolte qui semble s’être construite sans l’aide de personne. Sa vie ressemble au chantier de cette maison isolée en pleine campagne qu’elle retape toute seule. Son ventre est rond. L’énigme de la paternité est élucidée lorsque Diane explique à un ouvrier avec lequel elle vient de coucher (Fabrizio Rongione) qu’elle porte l’enfant d’un couple d’amis homosexuels. La nouvelle pourrait glisser, sans heurt. Sauf que l’amour s’en mêle.
Aborder la question de la GPA (on parlera ici de MPA, maternité pour autrui, puisque l’enfant est conçu avec les gamètes de la mère porteuse) semble un exercice immensément casse-gueule. En se prêtant à ce numéro d’équilibriste qui tente de pénétrer les motivations de chacun (la mère, le couple d’amis, le soupirant), Fabien Gorgeart aurait pu tomber dans le piège de la mièvrerie ou du cynisme. Or son film n’est ni l’un ni l’autre. Certes, il montre que la maternité est moins un état naturel qu’une construction, un sentiment. On ne naît pas mère, on le devient.
Cette grossesse, d’un autre côté, ne peut être anodine et affecte l’héroïne. Diane est quelqu’un qui fuit les affects. Elle se protège, ne veut pas souffrir, mais sa vie est de ce fait une coquille vide sans amour. Cet enfant qu’elle doit expulser, c’est bien sûr une part d’elle-même, cette tranche immature et froussarde qui la fait se comporter parfois en grand bébé dégingandé, maladroit et sans gêne. Un personnage difficile à incarner, parce que pas toujours aimable. Clotilde Hesme y parvient avec habileté, révélant une faille derrière chaque aspect irritant.
La liberté de ton de Diane a les épaules tient autant à sa prestation qu’au choix d’une mise en scène naturaliste, presque tournée en mode documentaire (l’actrice était enceinte au début du tournage). L’origine réelle de cette fiction a tout pour faire évoluer les mentalités et ces drôles de tabous persistants qui sévissent encore à notre époque. Diane a les épaules, en plus d’être un très gracieux premier film, apporte l’énième preuve qu’une naissance peut et doit être juridiquement possible en dehors des modes de reproduction traditionnelle.
Diane a les épaules de Fabien Gorgeart (Fr., 2017, 1 h 27)
{"type":"Banniere-Basse"}