Une soirée thématique permet de reposer la question à cent balles : quelle est l’utilité réelle des écoles de cinéma ? Roman Polanski, Milos Forman, Claude Sautet, Alain Corneau, Emir Kusturica, Marin Karmitz, Vitali Kanevski, Jean-Christophe Averty, Arnaud Desplechin en sont sortis. Louis Lumière, Samuel Fuller, Jean-Luc Godard, François Truffaut, Malik Chibane, Reynald Pedros n’y […]
Une soirée thématique permet de reposer la question à cent balles : quelle est l’utilité réelle des écoles de cinéma ?
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Roman Polanski, Milos Forman, Claude Sautet, Alain Corneau, Emir Kusturica, Marin Karmitz, Vitali Kanevski, Jean-Christophe Averty, Arnaud Desplechin en sont sortis. Louis Lumière, Samuel Fuller, Jean-Luc Godard, François Truffaut, Malik Chibane, Reynald Pedros n’y ont jamais mis les pieds. Si l’on se fie aux faits, la nécessité de faire une école de cinéma pour devenir cinéaste est au mieux à géométrie variable, au pire inexistante. Alors que beaucoup de cinéastes ont appris sur le tas, il est vrai aussi qu’un nombre important d’anciens étudiants de l’Idhec ne sont pas devenus réalisateurs, mais techniciens, producteurs, chômeurs, quand ils ne se sont pas carrément reconvertis dans une autre activité. Dans Un demi-siècle déjà, l’intéressant documentaire d’Annie Tresgot sur les 50 ans de l’Idhec (devenue Femis en 84), quelques célèbres anciens de l’école expliquent ce que leur cursus leur a apporté. En pleine période de l’après-guerre et des tentations monopolistes du cinéma américain, l’Idhec a permis à Robert Enrico et ses camarades de militer pour la survie du cinéma français (eh oui, déjà). Costa Gavras y a appris les techniques de la narration et l’art de pousser fluidement un chariot de travelling. Alors que l’Idhec est parfois considérée comme une étape ralentissant le devenir-cinéaste, pour un Idrissa Ouedraogo pataugeant dans le contexte paupériste du cinéma africain, étudier à l’Idhec fut comme un gros coup d’accélérateur. Dans la débandade de la fin de règne, l’Idhec en plein bordel était pour la promotion Rochant/Desplechin/Ferran l’occasion de faire des films en totale liberté. En tout état de cause, tout le monde semble d’accord sur un point : si une école de cinéma peut enseigner les techniques de base, devenir un bon cinéaste ne s’apprend pas, ce dont on se doutait un peu. Le cinéma est, sur ce plan, comparable à la littérature : essentiellement une affaire de don, de désir, de nécessité impérieuse et absolue. Ce n’est pas sur les bancs de l’académie qu’Orson est devenu Welles.
Cette soirée thématique sera complétée par un documentaire de Jean-Louis Comolli sur d’autres célèbres écoles européennes, de courtes interventions de Wenders et Polanski, et surtout les films de fin d’études de Mikhalkov, Kieslowski ou Agnès Merlet. Enfin, on ne saurait oublier Comment devenir cinéaste sans se prendre la tête, petite comédie en deux actes de Jacques Rozier. L’argument est simple : une jeune fille veut faire un film ; ses parents souhaiteraient vivement qu’elle passe d’abord son diplôme officiel de cinéaste ; le dilemme sera résolu (?) par Jean-Christophe Averty. Rozier tourne cette satire de la vocation du cinéma comme un épisode de Hélène et les garçons éclairages nuls, acteurs au jeu minimal, cadrages foireux, montage bourré de temps morts gênants. Comme si pour le génial auteur d’Adieu Philippine et lui-même ancien de l’Idhec, l’essentiel était surtout de désapprendre. Ce qui est une autre manière d’envisager les écoles de cinéma.
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