Sorties concomitantes du meilleur film de Tony Scott, « Ennemi d’Etat », et de son dernier, l’étrange « Déjà vu ».
LES FILMS : Pas facile d’exister quand son grand frère (sept ans les séparent) s’appelle Ridley Scott. Mais Tony s’en est plutôt bien sorti, sachant même tirer parti de l’ombre portée de son aîné pour faire grandir, autour de sa personne, une sorte de culte parallèle assez étrange dont on n’a jamais vraiment compris comment il s’était installé. Est-ce en raison des quelques bizarreries de sa filmographie – à commencer par son premier film, Les Prédateurs (1983), avec David Bowie et Catherine Deneuve – ou de ses plus gros succès au box-office (le redoutable Top Gun en 1986 qui imposa Tom Cruise) ? De sa capacité à surfer sur les tendances (True Romance en 1993, scénarisé par Avary et Tarantino, un an après Reservoir Dogs) ou de son habileté intemporelle à diriger des “grands acteurs dans de grandes histoires” (Spy Game en 2001 avec Robert Redford et Brad Pitt) ? En revoyant son chef-d’oeuvre de 1998, Ennemi d’Etat, dans une version “director’s cut”, on se dit que l’art de Tony Scott, à son meilleur, tient, sans doute, à une façon de prendre la tangente entre ces pôles opposés. Concilier blockbuster et auteurisme, nouvelles technologies et artisanat classique, c’est, en effet, ce qu’arrive admirablement à faire Ennemi d’Etat. Relecture, à l’ère de la vidéosurveillance, du très cérébral Conversations secrètes de Coppola, le film cherche moins ainsi à adapter son modèle qu’à le conserver tel quel en son centre en lui adjoignant tous les atours périphériques Le choix de reprendre Gene Hackman et de lui accoler un nouveau partenaire, Will Smith, est, de ce point de vue, explicite. Tony Scott ne se contente pourtant pas d’incorporer, de manière ingénieuse, sa référence arty. Ainsi, la façon dont il arrive à réinventer de banales scènes de courses poursuites, en incluant les images zénithales de satellites espions, est tout à fait remarquable. A un moment donné du film, un agent de la sécurité se plaint, cependant, de ne pouvoir distinguer que le sommet du crâne des fugitifs. Cette insatisfaction est probablement à l’origine de l’intérêt du réalisateur pour Déjà vu, puisque c’est ici l’intégralité d’un événement, visible sous tous les angles, qu’une unité du FBI se propose de reconstruire après coup. La technologie n’allant pas aussi vite, hélas, que le désir du cinéaste, Déjà vu est un film de science-fiction. Comme le découvre progressivement l’inspecteur, joué par le terrible Denzel Washington, ce programme informatique est même, en fait, une véritable machine à remonter dans le temps. Cette découverte entraîne alors le film dans les eaux, beaucoup plus troubles, d’un Minority Report inversé. Et, sans vouloir heurter le fan-club de Tony, le résultat n’est pas vraiment à la hauteur de Steven Spielberg.
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LES DVD : En bonus, des scènes coupées ou rallongées. Un making- of plutôt inventif pour Déjà vu reprenant le principe de la “fenêtre temporelle” du film.
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