Deux films pour (re)découvrir l’univers drôle, politique et poétique d’un cinéaste bourré d’humanité.
LES FILMS : Vous rêviez de films à la fois ambitieux et modestes, sérieux et rigolards, riches en beaux dialogues et en grâce visuelle, mélangeant adroitement besoin d’utopie, codes chevaleresques à l’ancienne et ancrage social contemporain, Alain Guiraudie l’a fait. Le nom du cinéaste de Gaillac sonne comme celui d’un pays imaginaire (Guiraudie = Syldavie = Utopie ?), un territoire de cinéma où la conscience politique cohabite harmonieusement avec la douce déconne et la transcendance artistique. Du soleil pour les gueux, ce serait une virée en Guiraudie rurale, où un causse du Sud-Ouest prend la dimension des grands espaces américains, où des guerriers se pourchassent à pied, tels des chevaliers ou des cowboys sans chevaux, profitent d’une pause pour évoquer leurs conditions de travail et leurs revendications. Un film plein d’espace, de lumière, de mouvement et d’humour. C’est drôle, politique sans être pesamment didactique, et aussi très beau. Ce vieux rêve qui bouge, c’est la Guiraudie ouvrière, où une usine sur le point de fermer prend des allures de cathédrale désaffectée (requiem pour la classe ouvrière ?) ou de plage abandonnée (les parasols dans la cour). Entre dégâts du capitalisme globalisé, désertification des provinces et homosexualité en milieu prolétaire et provincial, le superbe portrait d’un groupe d’hommes qui tentent de garder leur dignité dans un contexte de saccage social. C’est encore drôle, politique sans être pesamment didactique, et très beau. Ajoutons que les deux films, les deux meilleurs de l’auteur, durent à peine une heure, format parfait où tout est dit et montré avec une concision parfaite.
LES DVD : Une très belle édition à tous points de vue, du design des digipacks (un film bleu pâle, un film rose rouge) aux suppléments. Parmi ceux-ci, les premiers courts métrages de Guiraudie, balançant déjà entre chronique sociale et heroic fantasy revisitée, et deux courts docus de Chloé Scialom : dans le premier, Guiraudie, filmé au milieu des bergers de son causse, revient sur les désirs, les thèmes et les questionnements qui ont présidé à Du soleil pour les gueux ; dans le second, on assiste à un débat suivant une projection de Ce vieux rêve qui bouge, au cours duquel Guiraudie se fait brutalement interpeller par un vieil ouvrier communiste trouvant le film trop désinvolte, pas assez grave. Quelques jours plus tard, la discussion se poursuit avec bonheur dans la cuisine du monsieur, où le cinéaste tente d’expliquer à tête reposée que l’art ne doit pas rester collé au ras des luttes sociales. Enfin, les concepteurs de ces DVD y ont adjoint des livrets des dialogues des films, excellente initiative pour un cinéaste à l’écriture tout à la fois inventive, élaborée et simple, mélangeant la dialectique de discussions quotidiennes, certaines tournures de parler ancien et la création de mots et de noms aux consonances occitanes qui contribuent fortement à la puissance de l’imaginaire guiraudien. Une écriture dont le la est donné par les titres assez géniaux de ces films.
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