In between days. Réalisateur correct quand il ordonne des répliques, Mike Leigh devient nul quand il s’entiche de démonstration. Tourné juste après Secrets et mensonges, Deux filles d’aujourd’hui est un peu moins mauvais que son prédécesseur immédiat. A un unanimisme aussi béat qu’insupportable commence par succéder un humour cinglant, porté par des comédiennes au jeu […]
In between days. Réalisateur correct quand il ordonne des répliques, Mike Leigh devient nul quand il s’entiche de démonstration.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Tourné juste après Secrets et mensonges, Deux filles d’aujourd’hui est un peu moins mauvais que son prédécesseur immédiat. A un unanimisme aussi béat qu’insupportable commence par succéder un humour cinglant, porté par des comédiennes au jeu certes théâtral mais assez jubilatoire. Affligées de tics nerveux, de phobies en pagaille et d’irruptions cutanées tout à fait dégoûtantes, les deux filles du titre naviguent entre présent et passé, entre leur relative réussite sociale des années 90 et leurs galères estudiantines des années 80. The Cure fournit la bande-son adéquate au grand refoulé de la décennie Maggie. C’est drôle et enlevé.
Comme l’écrit Pierre Hodgson dans le dernier Trafic (n° 23, automne 97), « En Angleterre, généralement, seuls comptent les mots et les corps dialogue, sujet et casting. (…) Le cinéma britannique est un cinéma théâtral qui jette accessoirement un pont entre les importants réservoirs d’énergie que sont en Angleterre la comédie populaire, la musique populaire, la mode, le reflet social. » De ce point de vue, toute la première partie du film est une réussite incontestable. Mike Leigh poursuit une forme de sitcom social, à base de répliques hilarantes, de cabotinage effréné, de situations archétypales et de mise en scène aussi peu inventive que possible. Katrin Cartlidge y incarne une version femelle du David Thewlis de Naked : mal-être qui s’exprime par une agressivité de tous les instants, sexualité libérée mais fort peu épanouie, révolte contre l’ordre social qui dissimule mal la volonté farouche de le faire plier à ses désirs. Bientôt, les trois room-mates ne seront plus que deux, et la maison délabrée d’un faubourg de Londres deviendra une petite scène intime, faite de coups très bas et de vacheries incessantes.
Quand elles se retrouvent des années plus tard, la comédie de situations cruelle tourne vite à la symbolique pachydermique. Mis à part une dernière scène amusante (la visite d’un superbe appartement de Canary Wharf, « Par beau temps, on doit apercevoir la lutte des classes », s’exclame Cartlidge), cette seconde partie consiste en confrontations successives entre les deux complices et les fantômes de leur passé commun. Un (l’ancienne colocataire), ça va ; deux (un boyfriend partagé), ça devient pénible ; trois (l’obèse qui n’a pas su évoluer), c’est insupportable. Parce que les personnages perdent leur statut fictionnel pour se faire les simples véhicules d’une rhétorique qui ne brille pas par sa subtilité. Le néolibéralisme thatchérien a massacré le corps social, certains ne s’en relèveront jamais, d’accord, on a compris, merci.
{"type":"Banniere-Basse"}