Le dieu du cinéma d’action hongkongais réussit un époustouflant film de combats en costumes.
En pleine forme : c’est ainsi que nous revient aujourd’hui Tsui Hark, à l’issue de quinze années chaotiques, qui l’auront vu passer de l’île d’Elbe à Sainte-Hélène, de roi en exil (hollywoodien) à empereur déchu.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Pour comprendre l’importance de Detective Dee, il faut se souvenir de l’état de fébrilité dans lequel se présentèrent ses dernières œuvres (quand elle se présentèrent) : Van Damme-movies brillants mais complètement lost in translation (Double Team, Piège à Hong Kong), fulgurances mutantes (Time and Tide, La Légende de Zu, Seven Swords), opus minus à peine sortis des salles hongkongaises (Black Mask 2, All about Women, Missing).
Sur le fil, au bord du gouffre, le cinéaste livra de beaux combats, en perdit d’autres, mais souvent parut infirme – on sait toutefois depuis The Blade (1995) de quelles prouesses sont capables les guerriers manchots.
Aussi, bien qu’il s’en défende, il est tentant de lire Detective Dee, histoire d’un retour en grâce et d’un couronnement dans la douleur, à l’aune du récent parcours de Tsui. L’intrigue, inspirée – mais pas directement adaptée – d’un serial de Robert Van Gulik, raconte l’alliance forcée entre un juge embastillé (Dee Renjie, joué par un Andy Lau plus minéral que jamais) et une impératrice machiavélique (Wu), première et dernière femme chinoise à avoir accédé au sacre, au VIIe siècle.
Assisté par un guerrier albinos et une jeune garde du corps de l’impératrice (sublimes personnages secondaires), Dee doit retrouver un mystérieux assassin et prévenir l’insurrection qui guette…
Pleine forme, disions-nous ; “forme pleine” conviendrait mieux. Rarement en effet le cinéma contemporain parvient à offrir une telle plénitude de moyens,un tel bouillonnement formel et narratif sans que jamais l’on n’en ressente le poids.
Ainsi, les corps se projettent et se démultiplient dans un déluge de matières dont chaque perle, chaque flocon, chaque pétale se matérialise sous nos yeux (et nos oreilles). Les visages se transforment ou se brûlent au gré de sortilèges numériques élémentaires.Le récit, enfin, bifurque jusqu’à l’étourdissement, pour finalement livrer sa sève féministe – et aussi, production chinoise oblige, loyaliste.
Film de ligne claire a posteriori, Detective Dee semble ainsi fait de mille scories, ces roches de lave qui, une fois refroidies, se gorgent de bulles et que l’on associe, à tort, à des déchets. Sur l’instant, la confusion règne, mais sitôt l’éruption passée, chaque élément, air, terre, eau, feu, trouve sa place au son merveilleux du comic strip : “Zip ! Shebam ! Pow ! Blop ! Wizz !”
Un objet du film résume bien cette sensation. Souvent chez Tsui, l’arme détermine l’esthétique : sabres virevoltants de The Blade, balles affolées de Time and Tide, hallebardes colossales de Seven Swords.
Ici, c’est le marteau du juge qui sert de métonymie : léger et robuste, contondant plutôt que tranchant, précis et sans tremblement, il est l’équilibre incarné. Et si l’on regrette parfois les débordements malades de quelques films précédents, la santé retrouvée de Tsui doit être saluée pour ce qu’elle est : une grande nouvelle.
{"type":"Banniere-Basse"}