Un très beau court de Larry Clark domine un assemblage inégal et conceptuellement très flou de films “pornos” d’artistes.
Destricted a beau s’afficher sous un slogan explosif (“sept réalisateurs dynamitent les frontières entre le cinéma et la pornographie”), il a tout du pétard mouillé. Cela tient, pour une part, à la catégorie maudite de “film à sketchs”, presque systématiquement vouée à l’association bigarrée de travaux inégaux. On croise ainsi, à suivre, en un peu moins de deux heures, une obscure séance de Mako-moulage phallique (Matthew Barney), une leçon d’ethnologie érotique sur des rites balkaniques (Marina Abramovic), un film porno des années 80 délicatement refilmé sur un poste télé (Richard Prince), l’interview de candidats pour une première expérience X (Larry Clark), un montage express de scènes de baise et de baisers (Marco Brambilla), un homme solitaire se branlant à genoux dans la Vallée de la (petite) Mort (Sam Taylor-Wood) et un bad trip comparatif des masturbations masculine et féminine (Gaspar Noé). A cette mauvaise loi du genre, s’ajoutent cependant quelques problèmes spécifiques. A commencer par un brouillage conceptuel des plus gênants. Quel est, en effet, le vrai sujet de Destricted ? Est-ce la sexualité ou la pornographie ou le rapport entre l’une et l’autre ? Chacune des sept propositions, rassemblées ici, alternent entre ces trois axes sans que le montage des différentes réponses ne fasse jamais sens. Autre impensé majeur : si l’on suit les instigateurs du projet (Neville Wakefield, Mel Agace et Andrew Hale), il apparaîtrait qu’“entre le cinéma et la pornographie”, s’activent surtout des artistes contemporains. Cette orientation tacite a pour conséquence non seulement de faire basculer Destricted du côté de la sélection de vidéos d’art (pourquoi, dès lors, les projeter en salle ?), mais aussi d’évacuer la question du narratif. Catherine Breillat ou Jean-Claude Brisseau ont pourtant démontré, ces derniers temps, quel rôle central la fiction pouvait jouer dans la mise en scène de la sexualité. De ce grand flou, plus paresseux qu’artistique, se détache sans mal le formidable Impaled de Larry Clark. S’autorisant la “longue” durée (38 minutes), le réalisateur peut, en effet, remédier à l’indigence théorique de l’ensemble en prenant le temps d’installer son propre système. Il interviewe, d’abord, de jeunes garçons désireux de coucher avec une actrice porno, puis, après en avoir choisi un (forcément sublime), le filme en train d’interviewer, à son tour, plusieurs partenaires possibles. Vient enfin le moment de l’acte sexuel, aussitôt suivi de son commentaire par le principal intéressé. L’association de ces différents corps et de ces différentes voix, comme l’assemblage de ces diverses séquences temporelles renversent ainsi progressivement toute une série de lieux communs sociologiques sur le sexe et la pornographie pour dresser une autre cartographie émotionnelle, plus complexe et plus singulière. Un peu d’amour, en somme, dans un monde de brutes.
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