Western au temps de la prohibition, recensant de façon très scolaire toute l’imagerie du genre. A voir néanmoins pour le fascinant Tom Hardy.
Parce qu’elle s’écrit en parallèle à la crise de 1929, et qu’elle
est une étape matricielle de la naissance des États-Unis comme nation moderne, on saisit bien ce qui, dans l’époque de la prohibition, passionne aujourd’hui le cinéma américain.
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Martin Scorsese en a fait récemment le décor de son initiation (manquée) aux formes télévisées dans Boardwalk Empire, son emphatique série bling-bling pour HBO. L’ancien clippeur John Hillcoat, auteur de premiers films indé remarquables (dont un drame carcéral, Ghosts… of the Civil Dead, sous influence Alan Clarke), prend inversement le parti
de l’épure sépia et de l’hyperclassicisme dans sa chronique de la prohibition, Des hommes sans loi – qui représentait sans éclat la division cinéma de genre en compétition du dernier Festival de Cannes.
Dans un bled poussiéreux de l’Etat de Virginie, le film fait le portrait circa 1930 de trois frères outcasts à la tête d’un business d’alcool florissant et paisible : il y a là le costaud taiseux (Jason Clarke), le jeune wanabee idéaliste (Shia LaBeouf) et le chef de clan dont une légende affirme qu’il serait invincible (Tom Hardy).
Si le shérif du coin s’accommode sans mal des petits trafics de la fratrie, quelques autorités supérieures décident d’appliquer la loi avec plus de sévérité et envoient un agent zélé (Guy Pearce, ridicule) contrarier l’affaire de nos trois bouseux.
De là découlent une guerre sans pitié et un film (presque) sans aspérité, confirmant, après son adaptation impersonnelle de La Route, que l’Australien John Hillcoat a bien brûlé un peu de son ambition sous les sunlights d’Hollywood.
Désert aride battu par le vent, gueules cassées par le moonshine, affrontements virils et bad guys presque bouffons, Des hommes sans loi reproduit l’abécédaire du western américain avec l’application d’un habile copiste, à peine bousculé par de brusques accès de violence et la BO racée de Nick Cave (également scénariste).
Quelque chose échappe pourtant à ce programme formaté jusqu’au délire. Quelqu’un, plutôt : Tom Hardy, dont le rôle de bête dépourvue d’affects soudainement attendrie par l’irruption d’une femme (Jessica Chastain, en faire-valoir incandescent) évoque son passionnant personnage de Bane dans The Dark Knight Rises.
Ici encore, le film met à l’épreuve son invincibilité et tente de transpercer la cuirasse de ses muscles pour isoler chez lui ce qui semblait avant imperceptible, sa faille de mortel ordinaire : un peu de sensibilité.
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