Reprise, dans une superbe version restaurée, d’un des plus beaux films du cinéaste japonais Akira Kurosawa. Un film qui lui sauva peut-être la vie.
Fable humaniste et écologique, Dersou Ouzala occupe une place à part dans la carrière et la vie d’Akira Kurosawa (1910-1998), l’un des grands maîtres du cinéma nippon. En 1970, après l’échec critique et public de l’un de ses chefs-d’œuvre, Dodes’ka-den, Kurosawa est au plus mal. Il ne réussit plus à obtenir des financements pour ses films. En décembre 1971, il tente de se suicider en s’égorgeant.
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Une opportunité inespérée
C’est le moment où la Mosfilm, la société de production cinématographique soviétique, lui propose de venir tourner en Russie. Le cinéaste japonais accepte, et propose de tourner un projet qu’il avait depuis les années 1930 : adapter deux livres de la trilogie autobiographique Dersou Ouzala écrite par l’officier-topographe et explorateur de la Sibérie orientale Vladimir Arseniev, La Taïga de l’Oussouri – Mes expéditions avec le chasseur gold Derzou (1921) et Dersou Ouzala : la Taïga de l’Oussouri (1923). Le film décrit les explorations d’Arseniev et de Dersou dans la vallée de l’Oussouri de 1902 à 1907.
Kurosawa, à 63 ans, après avoir réalisé une vingtaine de films (et non des moindres, comme Rashomon ou Les Sept Samouraïs), se lance dans une nouvelle aventure. Il part écrire avec quatre de ses collaborateurs habituels et tourner au fin fond de la Sibérie, dans des conditions climatiques difficiles. Le tournage dure près d’un an.
À la croisée des mondes
Dersou Ouzala est l’histoire d’une amitié entre deux hommes que tout semble opposer : un officier russe chargé de faire des relevés topographiques et son guide, un vieux chasseur-trappeur golde (précisément un autochtone oussurien de la tribu Nanaï), Dersou, interprété par l’extraordinaire Maksim Mounzouk. Dersou est un homme de la nature. Il a perdu sa femme et sa famille, tuées par une épidémie de variole.
Mais, c’est aussi l’histoire triste d’un vieil homme dont la santé se dégrade vite après qu’il a tiré sur un tigre sans parvenir à le tuer (mauvais présage pour les Goldes), et qui se convainc, par superstition, qu’il va mourir. Arseniev l’accueille chez lui, dans sa maison, dans sa famille, mais Dersou préfère repartir dans son pays. Le film, dès la première séquence, montre qu’un monde est en train de disparaitre, celui d’hommes qui vivaient en harmonie avec une nature qui est en train d’être détruite par la civilisation pour construire des villes, des industries.
Dersou Ouzala remporte un grand succès auprès du public international, relance la carrière (et aussi la vie) de Kurosawa, remporte l’Oscar du Meilleur film étranger en 1976. C’est aujourd’hui un classique, un film magnifique, pour petits et grands, aussi lyrique que pudique, dont on ne peut oublier, après l’avoir vue, la fabuleuse scène de tempête où les deux héros, pour ne pas mourir, se construisent une sorte de grand nid avec des herbes, et puis, inoubliables, ces deux cris déchirants de deux hommes qui se recherchent et se retrouvent : “Dersouuuuu !” , “Capitaaaaaaan !”… Akira a sans doute lui aussi retrouvé Kurosawa grâce à ce film en partant travailler loin de chez lui.
Ensuite, à partir de 1980 et avec l’aide de George Lucas et de Francis Ford Coppola, Kurosawa réalisera quelques grandes fresques, comme Kagemusha et Ran. Mais c’est une autre histoire que nous vous raconterons un autre jour…
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