Tandis que « Camping 3 » déclenche les gros rires aux quatre coins de France, petite anthologie des films français balnéaires. Des comédies sexy basses du front de Max Pecas aux méditations mortifères de François Ozon.
La plage, symbole des vacances, a beaucoup inspiré le cinéma américain (Tant qu’il y aura des hommes, Le chevalier des sables, La nuit de l’Iguane, etc.) ou italiens (les films de Zurlini, de Fellini, etc.). Mais le cinéma français en regorge. Certes, les côtes françaises sont très étendues, mais c’est peut-être aussi que la plage est attachée au plaisir, et que le plaisir est renoirien, et donc français par excellence. Même si l’ennui, la mort, la dépression ne sont jamais loin, quand les vagues s’écrasent sur les rochers…
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La plage est aussi l’occasion de décrire un microcosme, sociopolitique, familial, amical, de s’en moquer. Et de filmer des femmes et des hommes dans le plus simple appareil.
La famille : L’hôtel de la place, La Baule Les Pins…
L’hôtel de la plage de Michel Lang, La Baule-les-Pins de Diane Kurys, Les maris, les femmes et les amants de Pascal Thomas… La famille en vacances. Les premières amours et les dernières (les parents qui se quittent ou se trompent), les flirts de vacances, la dragouille sans conséquence, et les petits chapeaux en paille pour les enfants pour se protéger du soleil. Le papa est souvent (pas toujours) joué par Daniel Ceccaldi. Toute une époque. Avec une préférence évidente pour le cinéma à la fois trivial et stylé de Pascal Thomas.
La nature : les plages d’Eric Rohmer
Pauline à la plage, Le Rayon vert, Conte d’été d’Eric Rohmer. Oui, Rohmer a beaucoup filmé les bords de mer, les vacances balnéaires. Parce qu’il aime la nature, qu’elle bouge, qu’il y a du vent, des phénomènes, des marées, des jolies femmes en maillot de bain donc des couleurs. Que la nature est par définition plus mouvante sur les plages, et qu’elle reflète romantiquement les sentiments des personnages.
Le burlesque : Jacques Tati
Copyright Carlotta Films
Les vacances de monsieur Hulot de Jacques Tati. Les congés payés ne sont pas si vieux quand Tati les filme – et crée le personnage de Hulot le maladroit. Les petits villages de bord de mer deviennent stations balnéaires. On prend pension. On rencontre des étrangers qu’on fréquente tous les jours pendant quelques semaines. Sources de gags inépuisable, la salle de restaurant est une scène de music-hall, et la plage, une piste de cirque pour les clowns en goguette.
Les souvenirs : Agnès Varda
Copyright Les Films du Losange
Les plages d’Agnès d’Agnès Varda. « Si on ouvrait les gens, on trouverait des paysages. Moi, si on m’ouvrait, on trouverait des plages« . Agnès Varda raconte sa vie et y trouve partout des plages: petite-enfance à Knokke-le-Zoute, enfance à Sète, maison de vacances à Noirmoutiers à l’âge adulte, séjour à Los Angeles, etc. La vie est une longue plage, de bonheur ou de malheur.
La société de consommation : l’été Splendid des Bronzés
Les Bronzés de Patrice Leconte. Un film politique, le premier film où la bande du théâtre du Splendid dénonce la vulgarité du touriste de masse et des clubs de vacances, l’individualisme forcené du vacancier consommateur (de sport, d’activités, de sexe…).
Folies bourgeoises : l’année des méduses
https://www.youtube.com/watch?v=KYu55NMTX_o
L’année des méduses de Christopher Franck. La plage, c’est la nudité des corps, bien sûr. L’année des méduses, c’est l’érotisme vaguement pervers des bourgeois en vacances… Mais les libertins des années 80 ne valent pas leurs ancêtres de l’Ancien Régime. Les femmes (Valérie Kaprisky et Caroline Cellier) font du seins nus, l’adolescente allume tous les hommes mais voudrait bien se faire un bellâtre un peu proxo (Bernard Giraudeau, à baffer). La chair est triste, hélas.
L’amour à la plage
La vieille fille de Jean-Pierre Blanc. Deux célibataires quadragénaires se rencontrent dans un hôtel de seconde zone. La première rencontre Girardot-Noiret sur un mode mineur, tristounette mais originale, aboutira à des films plus clinquants : Tendre Poulet et sa suite On a volé la cuisse de Jupiter, de Philippe de Broca (qui se déroule en Grèce mais plutôt dans les rochers).
Le cul : les comédies de Max Pecas
https://www.youtube.com/watch?v=wu9FzXvn3Jo
On se calme et on boit frais à St Tropez de Max Pecas. Le symbole même du film comique volontairement ringard. Pour Max Pecas, les vacances, c’est sea, sex and sun. Avec des femmes à poil. Tout le monde devrait être content mais en réalité il ne se passe jamais rien (du point de vue sexuel), alors c’est très déprimant. Un cinéma régressif complètement passé de mode.
Le crime : Alain Guiraudie
Les Films du Losange
L’inconnu du lac d’Alain Guiraudie. La plage lacustre n’a rien à voir avec la plage maritime. Ici, le sexe et le crime ne font qu’un. L’action se déroule sur une plage naturiste homosexuelle. Mais sous l’apparent calme de l’eau du lac, un monstre assoiffé de sang guette sa proie.
Des flashes plus que des films : Lelouch, Truffaut…
https://www.youtube.com/watch?v=G9mq4yCMrmc
Un homme et une femme de Claude Lelouch, Jules et Jim de François Truffaut. On ne se souvient de certains films que pour certaines scènes. Comme celle de la plage de Jules et Jim, pourtant courte, ou d’Anouk Aimée et Trintignant courant l’un vers l’autre sur la plage de Deauville dans Un homme et une femme. On tombe dans les bras l’un de l’autre, et ça donne l’une des images les plus emblématiques du cinéma français chabadabadant. On oublie les courses de voiture au Mans.
Le petit et le grand : le cinéma de Jacques Rozier
https://www.youtube.com/watch?v=f3fu3996AtI
Du côté d’Orouët et Maine Océan de Jacques Rozier. Il y a beaucoup de plages, dans le cinéma de Rozier. Dans Blue jeans, ce court-métrage sur la drague le long d’une plage de la côte d’Azur, mais aussi dans Adieu Philippines et Les naufragés de l’île de la tortue. Mais retenons surtout celles de Du côté d’Orouët et de Maine Océan où, à chaque fois, Bernard Menez incarne la solitude de l’homme seul et éperdu sur une plage qui semble sans fin.
Le camping : Frank Dubosc aux Flots Bleus
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La trilogie Camping de Fabien Onteniente. C’est moins la plage (du Moulleau) qui intéresse Dubosc et Onteniente que la communauté, la nostalgie d’une enfance en famille. Le camping ou le terrain de volley-ball de la plage, c’est un nouveau village, des copains, de la joie, les pieds qui crissent dans le sable. Et le pastis à tous les repas. Nous sommes dans le fantasme.
Plage d’ennui : JLG
Pierrot le fou de Jean-Luc Godard. Porquerolles, c’est magnifique, mais c’est aussi le bout du monde, du désespoir, de la vie. La mort du couple, c’est le bonheur au soleil. L’une s’ennuie (« Qu’est-ce que j’peux faire, j’sais pas quoi faire » répète Anna Karina en boucle), pendant que l’autre (Belmondo) essaie d’écrire. Tout cela finira mal. Comme dans le Mépris, quand Bardot et Palance auront tenté de s’échapper des rochers de Capri.
Séduction sur le ponton : Cary Grant chez Hitchock
https://www.youtube.com/watch?v=I2t3ZlhAtR0
La main au collet d’Alfred Hitchcock. Certes un film américain, mais tourné entre Cannes et Nice. Hitchcock met en scène sur une plage –ou plutôt un ponton – l’une des plus belles batailles – verbale – entre filles pour un homme, en l’occurrence Cary Grant, consentante proie… Comme chez Truffaut, ce sont les femmes qui conduisent la voiture.
Déprime : Guillaume Bracq
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Un monde sans femmes de Guillaume Brach. L’homme médiocre hésite entre la mère et la fille mais rien n’arrive comme prévu, alors on se contente de ce qu’on peut. Comédie dépressive tournée dans le nord de la baie de Somme, le moyen-métrage de Brach renoue avec le cinéma de Rozier.
La mort : François Ozon, Pascale Ferran
Sous le sable de François Ozon et Petits arrangements avec les morts de Pascale Ferran. Une plage, c’est des galets et/ou du sable, et le sable, c’est inerte, c’est la mort, comme des cendres. Bruno Cremer disparaît un jour au bord d’une plage, Charlotte Rampling attend son retour ou qu’on retrouve son corps. Le temps passe et c’est comme un fantôme qui règne sur sa vie. Déjà dans Regarde la mer (1997), Ozon tirait le film de plage vers le thriller criminel. Chez Ferran, c’est le deuil d’un enfant que rappellent des algues morts, un os de seiche ou un château de sable. Tout est fragile. L’enterrement de l’enfance.
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