Jude Ratnam a 5 ans en 1983 quand il monte dans le Démon, ce train rouge qui relie le sud du Sri Lanka au nord séparatiste. Avec sa famille, il fuit les premiers pogroms d’une guerre civile qui durera vingt-cinq ans. Aujourd’hui, la paix reste fragile et la guérison difficile dans un pays exsangue où l’on prêche l’amnésie généralisée.
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Le cinéaste construit son film comme un triple voyage : géographique (il rejoue l’exode originel), intime (une part du récit est prise en charge par ses proches) et historique (il embrasse les ramifications complexes du conflit entre Cinghalais et Tamouls).
Considérer les plaies béantes avec patience
Si la violence intercommunautaire, conséquence d’un colonialisme ayant favorisé une langue par rapport à une autre, est questionnée, les différentes rencontres font état de tensions au sein même des partisans de l’Eelam tamoul, ce rêve d’Etat indépendant.
Conscient que sa caméra ne soldera pas la tragédie, il essaie d’en considérer les plaies béantes avec patience. Un entretien par Skype avec un ancien combattant est suspendu pour laisser affleurer les larmes, une vieille femme convoque ses souvenirs brumeux pour reconnaître l’enfant qu’elle avait caché jadis.
Un espoir de réconciliation
L’influence évidente de Rithy Panh confère aux gestes une importance fondamentale dans la compréhension de l’horreur. Geste qu’on regrette (ce photographe qui n’est pas venu au secours d’un homme battu à mort), qu’on reproduit (le changement de costume pour dissimuler son ethnie), jusqu’à l’usure (ces rails qu’on scie à la lime).
Mais Demons in Paradise brille également d’un espoir de réconciliation magnifié dans une séquence réunissant d’anciens ennemis autour d’un feu de camp, et incarné dans l’image finale de cet arbre au tronc amputé qui tient toujours debout.
Demons in Paradise de Jude Ratnam (Fr., S. L., 2018, 1 h 34)
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