Projet osé sur le papier, le sixième long métrage de Noémie Lvovsky l’est tout autant dans son exécution. La petite Mathilde, 9 ans, y fait ce qu’elle peut pour protéger sa mère de la folie dans laquelle elle s’enfonce petit à petit. Entre la lucidité de l’enfant et les extravagances de l’adulte se loge une […]
Cinq ans après l’enchanteur Camille redouble, la réalisatrice revient avec un film à la fantaisie plus âpre autour d’une enfant confrontée à la folie de sa mère.
Projet osé sur le papier, le sixième long métrage de Noémie Lvovsky l’est tout autant dans son exécution. La petite Mathilde, 9 ans, y fait ce qu’elle peut pour protéger sa mère de la folie dans laquelle elle s’enfonce petit à petit.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Entre la lucidité de l’enfant et les extravagances de l’adulte se loge une histoire d’amour fou et délétère. Pour se faire pardonner une énième frasque, la mère offre à sa fille une petite chouette domestique. Irruption du conte fantastique dans une situation tragi-comique : l’oiseau peut communiquer par la pensée avec Mathilde et va à la fois devenir son confident et son conseiller.
Une forme de gravité sentimentale
Demain et tous les autres jours déroute dans un premier temps. Le mur d’excentricités qui se dégage du personnage de la mère, incarnée par Noémie Lvovsky, est si abrupt qu’il frôle un gênant sentiment d’impudeur, tandis que l’aspect extrêmement composite du film désarçonne.
D’abord nébuleux, il finit par prendre une vraie densité dans sa deuxième moitié, comme par miracle, là où on ne l’attendait plus, c’est-à-dire en se resserrant sur une forme de gravité sentimentale. Lorsque le drame se creuse, sa légèreté en apparence folâtre et sa fantaisie foutraque prennent une nouvelle dimension, rendant le film attachant et émouvant.
La poursuite de Noémie Lvovsky des thématiques familiales abordées dans ses autres films, la citation picturale de l’Ophélie de Millais et le jeu évident sur les quatre éléments apportent au film un certain relief. Mais c’est paradoxalement dans son inconscient et dans ses imprévus que la grâce du film se niche.
Entre trois films
De manière inattendue, Demain et tous les autres jours navigue entre trois films. Le premier, le plus ancien, est le Rois et Reine d’Arnaud Desplechin (2004). Comme dans ce film, il est question d’un couple déchiré, d’un enfant au milieu et d’un parent fêlé qui finit par être interné de force.
La subtilité du film de Lvovsky est de reprendre l’acteur qui jouait ce père treize ans plus tôt (Mathieu Amalric), mais de renverser sa position ; c’est désormais lui qui amène la malade mentale à la clinique. Le deuxième est Bird People de Pascale Ferran (2014) avec lequel le film partage la présence d’Anaïs Demoustier et celle d’un oiseau doué de parole.
La puissance de transformation du geste enfantin
Mais ce sont les similitudes avec Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc, sorti trois semaines plus tôt, qui sont véritablement fascinantes. Outre une troublante ressemblance physique entre les deux fillettes, ces petites entendent toutes deux des voix (celle d’une chouette ou celle de Dieu) et se transforment en jeune femme à la faveur d’une ellipse.
Dans une moindre mesure, le film de Lvovsky est traversé par un questionnement sur Dieu, par la pratique de la danse et celle du chant. La chorégraphie finale, improvisée, rappelle d’ailleurs celles de Philippe Decouflé. Ce qui fascine dans chacun de ces singuliers objets, c’est la puissance de transformation du geste enfantin. Plus hésitante que la Jeannette de Bruno Dumont, la Mathilde de Noémie Lvovsky n’opère pas moins un réenchantement du monde d’une délicatesse et d’une tendresse folles.
Demain et tous les autres jours de Noémie Lvovsky (Fr., 2017, 1 h 31)
{"type":"Banniere-Basse"}