Park Chan-wook signe un film à la fois malin et tragique, jouant ces deux veines l’une contre l’autre pour un résultat intrigant.
Ces derniers temps, Park Chan-wook est devenu plus que jamais un cinéaste de la sophistication tapageuse, dont Mademoiselle aurait pu incarner a la fois le sommet et l’impasse : le bijou de formalisme qui ne raconte plus rien, pas même un pitch “qui claque” (ce qui correspondrait plutôt a l’époque d’Old Boy), mais qui fulmine d’idées, d’images et fait passer ça pour du cinéma, sans en être tout à fait.
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En découvrant Decision to leave à Cannes, on a d’abord cru voir à nouveau ce film – mais c’était un effet cannois, car le programme trop dense du festival rendait quelque peu hermétique cette espèce d’usine à plans, de déballage épuisant d’angles de vue extrêmes, dont il ne reste, dès lors qu’on échoue à entrer dans son histoire, qu’une interminable cuisine d’effets.
Un deuxième visionnage au calme a permis non seulement de revenir sur cette première impression, mais surtout de voir que Park problématise en fait son propre formalisme et sa propre virtuosité dans ce thriller sentimental dont la complexité formelle est le contrepoids voire l’ennemi de la simplicité des sentiments.
Un combat entre le cœur et la raison
Le film suit l’histoire d’un policier hanté par sa collection de crimes non élucidés et qui va, par l’intermédiaire de l’enquête sur la mort d’un alpiniste, rencontrer l’épouse du défunt et nouer avec elle une relation – de quel type, on ne le précisera pas, mais la réponse est plus riche que vous ne le croyez.
Il est évidemment difficile de parler d’un tel film tant il repose sur une série de révélations qu’il nous incombe de taire. Mais disons que Park parvient à la fois à s’offrir au canevas exigeant mais classique du thriller à quintuple fond et aux plans machiavéliques (dans une veine Gone Girl) et à mettre au centre, à travers la liaison tragique des deux personnages principaux, un cœur battant et blessé qui au fond ne trouve pas sa place dans le premier film, qui est presque de trop, trop sentimental, pas assez retors.
Le dernier acte exacerbe cette espèce de lutte à mort entre le cerveau et le cœur, et place intelligemment le spectateur face à ce qu’il a envie de voir gagner : un film mindfuck (qui finit donc en queue de poisson) ou un film bouleversant, qui se manifeste in fine mais semble aussi inconsolable de ne pas avoir pu pleinement prendre corps.
Decision to leave de Park Chan-wook, en salles le 29 juin 2022.
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