Une sardonique série B renouant avec l’esprit – plus frondeur qu’il y paraît – des films de vengeance des années 70.
http://youtu.be/iGHN8YK8RmE
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Enième visite des seventies par Hollywood, Death Sentence s’en va cette fois fouiller ses marges, chercher une leçon de nervosité et de cynisme dans un genre souvent tancé : le vigilante movie, ou film de vengeance, de justice expéditive. Taxi Driver ou Un justicier dans la ville creusaient la crise morale américaine d’alors, la fin de l’innocence, entre désillusions sixties et défiance envers les institutions, du Vietnam au Watergate. Rien ne va plus, il y a de quoi devenir dingue, individualiste, et prendre un flingue. Si Death Sentence est plus réussi que le faussement intello A vif, c’est que James Wan (Saw) emprunte consciencieusement aux films précités, livrant une très bonne série B sardonique – un tonfonctionnant mieux que dans la franchise Saw. Le bon film de vengeance instille un sentiment d’absurde. Nick Hume (Bacon, dans son registre familier d’anti-héros borderline) applique ici un étrange principe de précaution – il travaille dans les assurances – quand il décide, avant même le début du procès, de châtier le meurtrier de son fils. Parce qu’on lui suggère que la voie légale n’a pas toutes les chances d’aboutir. Les vengeances s’accumulent, menées avec énergie. Wan hésite entre sécheresse et stylisation
(la photo crayeuse, trop anxieuse de faire seventies). Mais malin, il tend vers le film d’horreur, figurant l’entre-deux physique et moral de son justicier. Le bon vigilante movie est ainsi perte de repères, volant au western l’idée de frontière, non pas pour la repousser, mais pour la rétrécir et la brouiller entre soi et l’autre – entre le col blanc virant voyou cadavérique et un gang plus bigot que la moyenne. Le film se veut aussi généalogique et actuel : c’est ainsi curieusement une histoire – américaine, éternelle – de pères indignes aimant très mal leurs rejetons déboussolés, pendant moins noble du récent Shotgun Stories. C’est surtout une revanche très post-11 Septembre, où un Américain est prisonnier d’un cycle de violence parce qu’il a frappé préventivement, hors du droit. “Dans une guerre, chaque camp pense avoir raison”, énonce une fliquette peu efficace en guise de morale. Citant le finale de Taxi Driver, Bacon s’effondre sur son canapé, vidé, mort-vivant. Il ne singe pas un suicide avec son doigt sur la tempe, mais se shoote aux home-movies familiaux. Image puissante d’un pays épuisé, ressassant la nostalgie de l’innocence politique – si elle a jamais existé – et d’un cinéma seventies mythifié.
Léo Soesanto
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