Un teen-movie féminin dans un lycée secoué par le suicide d’une élève. Tendu et bluffant de maîtrise.
Les premiers plans « d’After My Death » en annoncent la teinte et le genre. Des lycéennes en uniforme parcourent des couloirs plongés dans une anormale et intense pénombre. Le cinéma d’horreur attend son heure, le teen-movie féminin est en place. L’origine de cette noirceur qui voudrait engloutir le film : le suicide de la jeune Kyung-min. A partir de cette mort, forcément mystérieuse et traumatisante, débute le portrait vaporeux de l’entourage : les adultes (la mère de Kyung-min, les policiers, les profs) et les adolescentes. Parmi elle, Young-hee semble plus que les autres avoir joué un rôle dans l’acte de son amie.
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Ce procédé de cartographie d’un milieu à partir du suicide d’une jeune fille rappelle Poetry (2010) de Lee Chang-Dong : même apparente raison (le harcèlement) et même exécution (du haut d’un pont). Mais plus que son aîné, qui déplie les conséquences de ce suicide sur une seule ligne (celle du rapport au monde du personnage principal, la grand-mère), Kim Ui-seok a recours à un récit éclaté, dans lequel la vie foisonne à l’intérieur de chaque plan. Les remous créés par la chute de Kyung-min dans la rivière semblent dicter sa forme à un film organisé comme une encyclie. Chaque onde circulaire, chaque révélation sur ses motivations atteint son entourage, le remue puis s’évanouit à la surface du film sans apporter de réponse à son intrigue.
Si le film multiplie les fausses pistes, c’est que ce qui intéresse en définitive le réalisateur coréen de 35 ans n’est ni le thriller teinté d’horreur, ni le drame sur le deuil qu’est aussi After My Death, mais plutôt l’étude d’un sentiment bien particulier : l’instabilité émotionnelle propre à l’adolescence et l’incapacité des adultes à l’endiguer autant qu’à la comprendre. Cette mélancolie teen, ce moment où amour, désir, amitié et haine se confondent, le film les traite d’abord avec une âpreté glaciale, évidée de tout sentimentalisme.
Mais cette veine sadique du cinéma coréen finit par se tarir lors de scènes à la sensualité assez sublime. On pense au moment où l’une des lycéennes met le doigt dans la blessure de Young-hee avant de l’embrasser. Ou lorsque que Young-hee se souvient du visage de Kyung-min, tente de l’enlacer mais le voit se liquéfier en une substance noire et visqueuse qui semble vouloir prendre possession de la jeune fille. Car le film se pose en définitive la belle question de la contamination de cette mélancolie. Porté par un impeccable casting – Seo Young-hwa (débauchée du cinéma de Hong Sang-soo) et la jeune Jeon Yeo-bin sont impressionnantes – After My Death est un premier film bluffant de maîtrise.
After My Death de Kim Ui-seok (Cor. du S., 2018, 1 h 53)
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