Après le bide de « Green Lantern », Ryan Reynolds renfile le costard d’un super héros mais ne s’en sort pas beaucoup mieux.
Avant d’être Deadpool, Wade Wilson (Ryan Reynolds, qui change opportunément d’écurie superhero cinq ans après le semi-bide Green Lantern) était déjà un type bourré d’humour et très à l’aise pour la castagne, deux traits auxquels sa mutation en super-héros n’ajoutera finalement qu’un pouvoir secondaire (une super-immunité à la Wolverine). Or Wade a chopé un vilain cancer et s’est tourné vers une obscure clinique de la dernière chance : il y est à son corps défendant devenu le cobaye de crapuleuses expériences dont il ressort avec un corps monstrueux, un goût relâché pour la violence, un furieux désir de vengeance et un nom qui claque.
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Que ressent Wade Wilson ? Ça n’intéresse évidemment personne dans ce film entièrement inféodé aux lois de la punchline et de la référence pop. L’intériorité du héros serait même la monnaie d’échange du trait le plus singulier du personnage de Deadpool, dès sa version comics, soit sa conscience de n’exister qu’à l’intérieur d’une fiction : de scène en scène, avec une insistance suspecte, Deadpool fait du fameux « quatrième mur » un punching-ball, multiplie les adresses au spectateur et l’humour méta (parfois bien senti : « votre professeur Xavier, c’est McAvoy ou Stewart ? On s’y perd un peu dans votre chronologie »).
Deadpool, à peine un personnage, est un pur concentré de fun gorgé de répliques ciselées qu’il distribue à un rythme hystérique. Et pourquoi pas, sauf lorsque ledit fun a un goût prononcé de supermarché. Car toute l’ironie et l’hémoglobine d’Hollywood ne suffiront pas à nous faire voir ici une once de subversion tant l’espèce de « trashwashing » qui a présidé à la (très agressive) campagne promo du film n’est, comme toute logique de campagne, qu’une bête affaire de positionnement, un choix de différenciation bien rôdé vis à vis du titan Marvel. Or, que le superhero movie sorte de ses gonds, très bien ; mais que le héros nous le martèle en personne (« on casse les codes ! »), c’est le stade terminal de la cuistrerie. Surtout lorsque le film, précisément, ne vaut guère plus que la ratification la plus prévisible de sa propre campagne, jusqu’à ne plus constituer (c’est tout de même vertigineux) qu’une simple formalité tant tout le gros œuvre est déjà fait. Qui remarquera que Deadpool est d’ailleurs mal fagoté, empêtré dans un ping-pong de flashbacks qui ne font vraiment démarrer son intrigue qu’au bout d’une heure, tandis que les money shots éparpillés ici et là n’évoquent pas mieux qu’une version un peu règlementée de Kick-Ass ?
En un mot comme en mille : c’est exténuant. Il faut voir le sous-titrage ramer pour suivre le rythme des 36 clins d’œil à la seconde servis par les dialogues, tenter même de rivaliser avec eux en références et en anglicismes, jusqu’à un résultat à la limite de l’intelligible. Rien de nouveau, d’ailleurs : l’explosion de l’agenda Marvel a déjà fait de l’auto-parodie et du métalangage les nouveaux piliers de son écriture. Deadpool ne casse pas les codes : il est leur aboutissement. Voilà le cancer dont le film de super-héros ferait bien de guérir avant de se transformer définitivement en un macchabée d’ironie et de pop culture.
Théo Ribeton
Deadpool
De Tim Miller avec Ryan Reynolds (É.-U., 2016, 1h49)
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