Fort du succès-surprise de ses aventures cinématographiques d’il y a deux ans, le super-antihéros à l’humour douteux rempile pour un second volet à la recette inchangée, celle d’un cocktail sanglant et désinvolte un peu écœurant. (Spoilers)Un cocktail bourré de sucre mais sans alcool, qui se sirote avec gourmandise mais ne dérègle rien.
Cet article comporte des révélations sur le film Deadpool 2.
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La subversion a ceci d’intriguant qu’elle perd en puissance dès qu’on essaie de la calibrer. D’où l’inquiétude ressentie il y a deux ans avant l’arrivée sur les écrans de Deadpool de Tim Miller, marketé comme un film de super-héros trash et politiquement incorrect (qui se souvient de Hancock avec Will Smith ?). Malgré une imagerie désespérément grisâtre et des effets de style pompés chez Tarantino et Guy Ritchie, le premier volet des aventures de l’ancien soldat des forces spéciales défiguré et doué de pouvoirs hors du commun suite à une expérience scientifique ne manquait pas d’allant. Un charme gras pour un plaisir de spectateur un peu honteux qui détonnait au sein d’une production super-héroïque en dangereuse voie d’uniformisation.
David Leitch, ancien cascadeur et réalisateur de John Wick et Atomic Blonde, en électrise la recette de son style d’actionner nerveux, et confronte dans ce nouveau volet l’homme à la combinaison rouge au deuil, à une quête de sens et à un guerrier surentrainé venu du futur (Josh Brolin, dans une variation moins ample de son Thanos d’Avengers : Infinity War).
Détournement et désinvolture permanents
Alors, est-ce qu’on rit dans Deadpool 2 ? Oui, et si elle ne s’épanche pas à gorge déployée, la drôlerie du film et de son personnage principal se révèle assez efficace pour dérider les zygomatiques engourdis du public d’une projection matinale.
D’un running gag sur la mort christique du personnage façon Logan à un stage chez les X-Men en passant par un générique en relecture parodique des gun barrel sequences de James Bond, la dérision infuse chaque pore de l’édifice jusqu’à le vider de son substrat héroïque. N’en reste qu’un squelette ricanant qui sautille de saillies corrosives (un peu) en gags régressifs (beaucoup), un cocktail bourré de sucre mais sans alcool, qui se sirote avec gourmandise mais ne dérègle rien.
Un rire en circuit fermé
Pourquoi faire la fine bouche quand le « contrat » du film est rempli ? Parce que le rire peut aussi être une affaire sérieuse, et troubler le spectateur sans l’infantiliser. Parce qu’il peut faire jaillir l’émotion plutôt que l’assécher par une désinvolture permanente. Parce qu’il peut être généreux au lieu de fonctionner en circuit fermé.
C’est là tout l’enjeu de Deadpool, qui repose sur un réseau de références pour inconditionnels du genre. En prenant la notion d’univers étendu au sens large pour la faire baver dans le monde réel, les scénaristes entreprennent de briser le quatrième mur avec un gant de boxe pour se brancher à toutes les facettes du blockbuster super-héroïque contemporain. Réjouissant quand il en étrille les tropes éculés (sexisme désespérant, construction narrative verrouillée et psychologie balourde), le film agace quand il aligne clins d’œil et name dropping, délaissant la construction d’un langage propre pour se constituer en simple contrepoint parodique à ses ombrageux cousins.
Deadpool 2 de David Leitch, avec Ryan Reynolds, Josh Brolin… (US, 2018, 2h00)
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