Un homme lit tous les jours des passages de Bérénice. Du cinéma retranché et ascète.
Qu’il est doux de se couler dans le cinéma ténu et tenu de Jean-Claude Rousseau, de rester suspendu au fil intimiste, fragile et intense d’une écriture de et dans la marge, qui ne ressemble à nulle autre.
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Le réalisateur de La Vallée close joue, entre les murs d’un appartement, une partition de musique de chambre propice aux variations d’un cœur solitaire. Un homme (Rousseau himself) lit de courts passages de Bérénice sur plusieurs jours, peut-être plusieurs semaines.
Entre les moments de lecture s’intercalent des recoins, des plis de rideaux, l’attente, des lettres glissées sous une porte, les bruits de la rue qui s’infiltrent par la fenêtre, comme dans La Prisonnière de Proust. Au bout d’un couloir, un miroir, une caméra, un reflet, un double.
Ces plans répétitifs, qui connaissent néanmoins d’infimes variations, s’ouvrent à la pièce de Racine et à la maladie des sentiments : ils substituent aux dialogues et aux élans tus une matière picturale et sonore dépouillée qui donne au texte une résonance profonde et mystérieuse.
Il semble alors que, dans cet espace ordinaire, le trait épuré des natures mortes de Morandi, la folie de Maupassant, la conscience douloureusement aiguë du détail de Woolf affleurent et dialoguent naturellement avec Racine.
S’il émane de ce retranchement une certaine beauté ascétique, point également une forme de légèreté, car Rousseau entreprend aussi un jeu dont visiblement il se délecte, celui de mettre en branle son imagination et la nôtre, avec trois fois rien.
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