La question que pose le film c’est simplement : comment peut-on vivre avec la mort, avec nos morts ? Un sujet traité par de nombreux cinéastes contemporains, travaillés par cet escamotage de la mort en Occident. On peut citer La Vie des morts, Le Sixième sens, ou le récent Sous le sable. Seulement chez Orso […]
La question que pose le film c’est simplement : comment peut-on vivre avec la mort, avec nos morts ? Un sujet traité par de nombreux cinéastes contemporains, travaillés par cet escamotage de la mort en Occident. On peut citer La Vie des morts, Le Sixième sens, ou le récent Sous le sable. Seulement chez Orso Miret, il y a une glaciation, une rétention, une raideur chez les personnages, tendus comme des arcs prêts à se briser, à l’instar de Guy (Yann Goven), dont la mâchoire semble constamment crispée. Même les décors aux couleurs froides et dévitalisées, camaïeux de gris, de beige et de bleu, semblent contaminés par cette disparition. Cadrages ligne claire tendance spectrale. « Je voulais faire sentir que les personnages sont hantés« , explique le cinéaste. On n’est donc pas très loin de Sous le sable d’Ozon, à la différence près qu’ici les personnages sont hantés de l’intérieur. Ils sont agis par l’esprit quelque peu destructeur de ce père disparu, dont on a éradiqué jusqu’à la trace physique (il est incinéré).
On pourrait résumer le film en quelques mots : Résistance, mort du père, fugue psychogénique de Guy, divorce de Danielle, divagation de la mère, catharsis, regain. Mais on ne rendrait pas compte ainsi du glissement sémantique du film, de sa progression subtile en crescendo musical : on part du rationnel, de l’Histoire, des faits, d’un personnage extérieur, Olivier, témoin objectif, qui prépare un doctorat sur les résistants fusillés, pour s’immiscer plus profondément dans le cercle familial, et suivre le dysfonctionnement croissant de la mère, et surtout de Guy, qui devient erratique, délirant. Le drame psychologique posé, presque à la Sautet pourrait-on dire, va être dynamité par cet allumé dostoïevskien qui résiste à la résignation, qui fait exploser la rationalité discursive par un simulacre terroriste. Grâce à ce personnage, le film acquiert une tonalité fantastique. C’est en Prométhée quasi cronenbergien que Guy court-circuite par un électrochoc le travail de deuil de la famille. Rétrospectivement, on apprécie la manière dont Orso Miret, par petites touches successives, a fait voler en éclats (métaphoriquement et littéralement) l’ordonnancement de la fiction classique à la française, sans pour autant se départir de la rigueur formelle du départ. Cette maîtrise dans la transmutation du récit est admirable.
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