Malgré une énergie certaine, De l’autre côté du périph’ n’évite pas certains clichés du film sur la banlieue. Le documentaire des Tavernier néglige notamment une réflexion sur vingt ans de politique de la ville.
De l’autre côté du périph’, France 2, dimanche soir. Presse dithyrambique (Les Inrocks notamment). Une caméra subjective d’une voiture qui roule sur le périphérique dans l’obscurité, à la lisière des deux mondes, la voix off de Bertrand Tavernier lit l’invitation lancée par Eric Raoult. La qualité majeure de la première partie du film est dans la parole libre et spontanée des habitants qui décrivent leur environnement, ses dysfonctionnements, ses sources de convivialité. On sent même le désir du réalisateur d’aller plus loin, de démonter les mécanismes politiques qui engendrent cette réalité. Cette volonté d’approfondir le sujet nous fait prendre de la hauteur. Une vision globalisante s’ébauche qui transcende les générations, les catégories sociales, les origines culturelles et les histoires personnelles de ces habitants.
Et puis tout d’un coup, tout s’effrite. Les spécificités du quartier des Grands Pêchers s’estompent pour rejoindre la nébuleuse « banlieue » et y côtoyer des villes, des quartiers qui vivent des réalités différentes. Nous sommes à La Muette à Garges-lès-Gonesse, à la cité des Indes à Sartrouville, aux Grandes Bornes à Goussainville… Un discours étouffe la parole des locataires de ces immeubles. C’est le regard des auteurs qui s’installe. Le montage passe du coq à l’âne. La seule véritable originalité et pertinence de cette investigation citoyenne s’évapore. Dommage.
Je perçois les Tavernier surpris et déséquilibrés par ce qu’ils découvrent. Effrayés par tant de complexité, ils décident d’enfiler les perles, des thématiques traditionnelles à ce type de sujet : immigration, intégration, école, racisme, chômage, cohabitation dans un habitat collectif, insécurité et enfin le célèbre face-à-face jeunes-police. Ce cocktail se métamorphose en bouillie illisible. Les maux que nos enquêteurs souhaitaient mieux comprendre se transforment en un sortilège inguérissable.
Il me semble que le grand absent de ce voyage aux pays des banlieues, c’est un bilan de la politique de la ville créé il y a quasiment vingt ans. Aucune analyse sur la décentralisation de 1983 qui a donné un pouvoir considérable aux élus de proximité sans statut ni formation. Aucune réflexion sur la multiplication des travailleurs sociaux, aucune allusion, aucun mot sur ces sigles qui sont pourtant devenus l’emblème d’une génération : PAIO (Permanence d’accueil d’information et d’orientation) ; ZEP (Zone d’éducation prioritaire) ; DSQ (Développement social des quartiers, devenu contrat de ville) ; DIV (Délégation interministérielle à la ville) ; CCPD (Centre communal de prévention de la délinquance).
Le père et le fils Tavernier pensent s’être opposés à monsieur Raoult en le prenant au mot. La vision qu’ils nous ont proposée à travers leur reportage s’additionne à ce qu’exprime l’ex-ministre à la Ville et à l’Intégration. Donc pas match nul mais 2 à 0 pour la place Beauvau.
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