Plongée dans l’histoire et le quotidien d’une ville de banlieue, grâce au conte urbain et onirique de Manon Ott.
Dehors, Momo bricole un feu de fortune. “Le feu, il est mystique, il est dangereux, mais il est simple.” Face caméra, l’ancien braqueur, tel un vieux mage, le visage strié par les ombres de la nuit, se raconte. Sa vie de voyou, sa découverte de Marx et Rimbaud en prison, et puis son retour à la vie normale, son maigre salaire et cette insatiable colère contre un capitalisme carnassier…
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Sur ses mots, les braises du feu presque éteint éclatent comme des bulles de plastique. Située dans la dernière partie du film, la séquence résume sensiblement les enjeux formels, théoriques et sociologiques de ce documentaire.
Des années 1960 à nos jours
Réfléchi sur plusieurs années, attendant patiemment, au gré des rencontres, que l’espace visité se meuve en lieu familier, De cendres et de braises se présente comme l’autopsie de la ville des Mureaux, ancien bastion ouvrier de l’usine Renault-Flins né dans les années 1960. Dans la cité HLM, vieille et nouvelle génération cohabitent. De l’une à l’autre, rien n’a vraiment changé.
Les enfants ont repris le travail des parents. Balancé entre la mémoire ardente de Mai 68 et l’abnégation d’aujourd’hui – “Quand tu vas là-bas, t’éteins le cerveau, sinon tu peux pas travailler”, raconte un jeune ouvrier –, le film fait le constat amer d’un état de stagnation et d’une promesse, cette invisible ascension sociale, bafouée. Mais, en se parant d’artifices, il échappe au simple exercice radiographique.
Serti d’un noir et blanc coupant, De cendres et de braises déploie un dispositif rigoureux et transforme ce terreau d’histoires (petite et grande) en une contrée onirique. La nuit est le décor principal de ce théâtre d’ombres, constellé des récits de vie d’une poignée d’habitants, ce refuge idéal qui permet de mieux voir et de mieux entendre. Le feu en est son guide. Dans ce conte urbain, les flammes crépitent et s’endorment, les cendres recèlent les restes d’hier et les braises chuchotent un possible changement.
De cendres et de braises, France, 2018, 1h13
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