Teenage-movie hanté par des zombies, “It Follows” fait vraiment flipper. Avec ce deuxième film, David Robert Mitchell fait la preuve que le futur lui appartient.
“Quand j’étais petit, je faisais régulièrement un cauchemar, assez commun je crois, où j’avais la sensation d’être poursuivi par quelqu’un, une présence inquiétante qui avançait lentement, mais qui, quoi que je fasse, ne me lâchait pas…” Ce cauchemar, que David Robert Mitchell évoque comme genèse de son second long métrage, le prodigieux It Follows, est en effet des plus commun. Mais comme tout bon film d’horreur, le sien vous attrape directement par le cortex, et réveille vos peurs les plus intimes.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Du cauchemar au film, quelques décennies sont passées, des tas de films ont été ingurgités et digérés (du Carpenter, du Tourneur, du De Palma, ainsi que des séries B des années 50 que le cinéaste fait regarder à ses personnages), et un premier long métrage a été réalisé : The Myth of the American Sleepover, un teenmovie très pur que quelques happy few avaient eu la chance de découvrir, émerveillés, à Cannes en 2010. Pour de sombres histoires de catalogue, le film ne sortit hélas jamais en salle et dut attendre 2014 pour pointer modestement le bout de sa jaquette dans les bacs DVD.
Detroit et ses fantômes
Acclamé à la Semaine de la critique l’an dernier, It Follows devrait réparer cette injustice. Les deux films ont de nombreux points communs, à commencer par la ville où ils se déroulent : Detroit. “Je vis désormais à Los Angeles, comme la plupart des gens de l’industrie, mais j’ai grandi à Detroit, à une époque où la ville était déjà sur le déclin. Une bonne partie de ma famille y réside encore, et j’avais à cœur de montrer cette cité aujourd’hui désertée, sa lumière et ses décors si particuliers”, affirme le réalisateur.
De fait, on a rarement vu Detroit, ou ce qu’il en reste, aussi bien filmé (si ce n’est peut-être dans le dernier film de Jarmusch), sa poésie ruiniste aussi bien convoquée, avec ses bâtiments décatis, ses corps délabrés et ses ambiances à la Gregory Crewdson (photographe excellant dans la transformation du quotidien en spectacle inquiétant, dont Mitchell reconnaît volontiers l’influence).
“La porte ouverte à toutes les interprétations”
L’autre élément structurant des deux films est l’adolescence. Les adolescents et leur peur panique du sexe, plus ou moins en sourdine dans The Myth of the American Sleepover, centrale ici. Slasher particulièrement théorique, It Follows ne pouvait pas faire l’impasse sur cette question, qui détermine le genre depuis ses origines au début des sixties. Le cinéaste refuse cependant de donner trop d’explications sur ce qu’il a volontairement laissé dans l’opacité et insiste pour laisser “la porte ouverte à toutes les interprétations”.
La bête, le “it” du titre, doit rester sans objet, sans forme, sans passé, un pur principe de terreur que le spectateur investit de ses propres angoisses. Agé de 40 ans, mais en paraissant dix de moins, David Robert Mitchell pourrait être un mix entre les deux personnages masculins de son film, le geek et le beau gosse, ou plutôt une évolution de l’un vers l’autre…
Il y a quelque chose de non-décidé chez lui, “undeclared”, comme l’on dit d’un étudiant américain n’ayant pas encore choisi sa majeure à la fac. Extrêmement avenant et enthousiaste, il sait également se montrer secret. Tout comme ses films, construits comme des boîtes minutieusement ouvragées qu’on ouvrirait avec la plus grande précaution de peur de compromettre ce qui se joue à l’intérieur.
Rendre le film temporellement flou
Par exemple, se passent-ils au présent, dans les années 80 ou dans un futur proche ? Impossible à dire – sans doute un peu de tout cela à la fois… “C’était effectivement un des enjeux de rendre le film temporellement flou. J’aime bien ce qui est flottant, l’entre-deux. Dans le même ordre d’idées, j’ai insisté pour que les acteurs gardent un jeu aussi naturaliste que possible alors que ce qui leur arrive est surréaliste. Je recherche ce genre de contraste.”
Il ne souhaite pas cependant devenir, comme l’était John Hughes, un cinéaste exclusivement teen, et promet que son prochain film sera différent : “Il s’agit d’un film d’aventure et de mystère avec un quadra et un type un peu plus vieux”… On n’en saura pas davantage. Il évoque ensuite une trilogie écrite il y a fort longtemps, jamais dévoilée à quiconque mais qu’il espère réaliser un jour, une “histoire de détective avec des éléments fantastiques… et des adolescents”. Des adolescents ? Tiens donc…
“Bon d’accord, concède-t-il en riant, je reconnais, j’ai un truc avec ça, mais avant d’y revenir, j’ai envie de faire autre chose !” Il apparaît alors très serein, sûr de lui et de son talent, loin de l’angoisse existentielle de ses personnages, matérialisée par ce “it” implacable. Et en effet, il peut marcher tranquille : l’avenir lui appartient.
{"type":"Banniere-Basse"}