Sous le voile du film (très) horrifique, un réquisitoire implacable et déchirant contre les parents maltraitants.
Dark Touch a formellement tout du film de genre contemporain. En l’occurrence, un film d’horreur mettant en scène une jeune fille de 11 ans, Neve, qui, dans une vaste maison isolée de la campagne irlandaise, assiste à la mort de ses parents, tués à coups de meubles, de morceaux de verre et de diverses cisailles volantes par une force mystérieuse.
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Mais voilà : ses parents, bien que notables, étaient des parents sadiques (on ne voit rien, sinon des traces de brûlures de cigarettes, des bleus, des taches de sang, une ceinture que le père retire des passants de son pantalon). Jusque-là, tout est normal, dirions-nous.
Mais Marina de Van, déjà auteur de deux très beaux films (Dans ma peau en 2001, et le magnifique et honteusement méprisé Ne te retourne pas en 2007, avec Monica Bellucci et Sophie Marceau), où elle métaphorisait à merveille des souffrances psychiatriques (autophagie, dédoublement de personnalité), n’œuvre pas dans le futile et le léger, le gore ludique.
Comme son titre l’indique, Dark Touch est un film sombre, extrêmement désespéré, bien plus effrayant sur son versant psychologique que sur son versant criminel et spectaculaire. Il décrit l’évolution des sentiments chez une petite fille confrontée à l’horreur de la maltraitance parentale. Les pouvoirs télékinésiques de Neve servent à assouvir, d’abord de manière inconsciente, puis en toute connaissance de cause, sa vengeance.
Après avoir “tué” ses parents sans le vouloir, elle sauvera deux enfants tabassés tous les jours par leur furie de mère et tuera celle-ci, toujours à l’aide des forces qu’elle abrite. Des forces surhumaines, puisque Neve a étouffé son petit frère en le serrant dans ses bras dès le début du film, alors qu’elle semblait vouloir le sauver d’un incendie. Un policier avait dit : “Une enfant de l’âge de Neve ne peut pas avoir la force d’avoir fait ça.” Ses forces la dépassent.
Alors cette histoire d’enfant atrocement maltraitée va évoluer par degrés vers l’horreur la plus absolue. Les enfants du village, ces êtres infestés par la violence de leurs parents, comme dans le célèbre conte du joueur de flûte, vont en pâtir. C’est la société tout entière qui va payer, car elle est mauvaise. Parce qu’il n’y a pas de bons parents, semble dire le film (c’est tout juste si un couple échappe au réquisitoire).
Puis, après une parodie de psychodrame où les trois enfants violentés et vengeurs inversent les rôles avec le couple – si dégoulinant de gentillesse, de gestes de tendresse et de bons sentiments déplacés – qui a recueilli Neve après la mort de ses parents, celle-ci accepte son sort, dans le but de sauver la société de ces forces irrépressibles et dangereuses dont elle n’a pas la maîtrise. De grands psychosomaticiens pensent que certaines maladies hémorragiques auto-immunes feraient leur lit dans l’inceste refoulé
dans l’enfance. On dit alors que les organes pleurent des larmes de sang.
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