Adaptant le roman de Delphine de Vigan, Polanski aplatit une thématique qu’il avait déjà traitée avec plus d’inspiration.
Delphine (Emmanuelle Seigner) est une romancière qui n’arrive plus à écrire après le succès de son dernier roman consacré à sa famille – elle reçoit éloges de lecteurs s’identifiant à elle, lettres anonymes lui reprochant d’avoir menti, d’avoir prostitué ses proches pour faire du fric. Alors qu’elle s’isole de plus en plus, “Elle” (Eva Green), une fan et écrivaine ratée – elle est ghostwriter et écrit les mémoires de célébrités –, va entrer dans sa vie et déployer son emprise toxique, jusqu’à écrire à sa place son prochain livre.
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Dans son roman éponyme (sorti en 2015) en forme de thriller psychologique, Delphine de Vigan racontait une dualité intérieure pour mieux poser la question : qui (en moi) écrit quand j’écris ?
La dualité à la base de l’écriture d’un livre, Polanski l’a déjà mise en scène dans The Ghost Writer, comme il a déjà brillamment travaillé sur les questions de la paranoïa, de la folie d’un être projetée sur son entourage au point de le déformer – Répulsion, Le Locataire –, ou de la possession avec Rosemary’s Baby. D’après une histoire vraie est le projet de trop pour un cinéaste qui a peut-être déjà tout dit sur ces thèmes. Froid, le film ne fait qu’illustrer (assez mal) un livre qui n’a pas l’air d’avoir trouvé un écho chez Polanski, tant celui-ci lui reste extérieur.
Si Delphine de Vigan prenait soin de construire cette “amitié” vénéneuse par étapes, Polanski, en brûlant certaines d’entre elles, rend le lien entre ces deux femmes non crédible. Du coup, Emmanuelle Seigner a l’air nunuche à force de naïveté, et Eva Green, qu’on a connue autrement plus forte (dans la scène de possession de Penny Dreadful), se contient sans cesse, ne sachant plus si elle doit jouer la psychopathe ou la bonne copine dans un téléfilm français.
Quant à la peinture du milieu littéraire parisien, Roman Polanski est tombé dans tous les poncifs. Les fans se jettent sur l’écrivain (on n’a jamais vu ça !), les locaux de JC Lattès, l’éditeur de De Vigan, sont somptueux (en vrai, ils sont minuscules), son éditrice, jouée par l’excellente Josée Dayan, fait trop penser à Françoise Verny, devenue le cliché de “l’éditrice” pour beaucoup (Karina Hocine, la véritable éditrice de De Vigan, est féminine et élégante). Polanski a tourné ce film parce que son projet en cours, sur l’affaire Dreyfus, était ralenti. On le regrette doublement.
D’après une histoire vraie de Roman Polanski (Fr., 2017, 1 h 40)
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