Le réalisateur des “Crimes de Snowtown” retrouve la forme avec ce portrait à vif où Caleb Landry Jones scintille.
Hirsute, mal-aimable, on imagine difficilement Nitram échapper au sort que lui réserve a priori sa programmation en toute fin de festival. Soit à la place communément admise comme celle du mort, dans la mesure où une certaine topographie de la compétition faite de réussites et d’échecs a largement eu le temps de se dessiner, et où il faut donc de solides arguments pour en bousculer la hiérarchie dans les derniers mètres.
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C’est dommage pour ce film qui marque le retour de Justin Kurzel à une forme à nouveau sincère et singulière – après de piteux détours internationaux dans le pire du cinéma d’auteur (Macbeth) comme du blockbuster (Assassin’s Creed) –, mais aussi et surtout à un territoire et à des sujets proprement australiens (il a entretemps signé un western sur Ned Kelly, le Jesse James local).
L’homme derrière la violence
Il adapte ici la vie du principal protagoniste d’un fait divers tristement célèbre survenu dans la Tasmanie des années 1990. Ce qui l’y intéresse est moins la question de la violence, de ses signes avant-coureurs ou de son caractère inéluctable, que l’homme lui-même. Comme si tout ceci aurait aussi bien pu ne pas arriver, sans un cruel agencement du destin.
Nitram (c’est son surnom) est une sorte de Denis la Malice qui aurait grandi sans devenir adulte, que l’on rencontre dans un extrait d’archives télévisuelles (il a été filmé enfant par une caméra de télévision dans une clinique pour grands brûlés, après un accident de pétards, affirmant qu’il recommencerait sitôt libéré) avant de le découvrir adulte, marginalisé, quasi idiot, errant mollement dans une existence désocialisée, sous la houlette de parents dépressifs et dysfonctionnels.
Le choix de Caleb Landry Jones apporte à Nitram une énergie grunge, quelque chose de très convaincant dans le mélange de candeur et de sauvagerie qu’il fallait donner au personnage, évoquant une espèce de Kurt Cobain sans talent, qui ruminerait en solo des rêves de surf, des jeux de pétards et des tentatives infructueuses de sociabilité.
Le film est crade, fou. Et c’est avec une étrange tendresse qu’il parvient à donner à voir l’enfant, plutôt que l’idiot quasi clinique et avide de célébrité que l’on découvre à la sortie en vérifiant la true story sur Wikipédia. À voir si l’ultrasensibilité mal peignée du film et de son acteur toucheront un jury qu’on imagine plutôt en train de muscler ses arguments pour des chouchous déjà choisis depuis quelques jours…
Nitram de Justin Kurzel. Avec Caleb Landry Jones, Essie Davis, Anthony LaPaglia. Date de sortie en salle inconnue.
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