Quatrième long métrage de Sylvain Desclous – après notamment une première fiction en 2016, “Vendeur”, et un documentaire sur une élection municipale rurale en 2022, “La campagne de France” –, “De grandes espérances” mêle avec agilité la chronique politique et le thriller psychologique, dans une facture classique et maîtrisée.
Madeleine et Antoine sont promis·es à un grand avenir. Amoureux·euses, étudiant·es à Sciences Po et préparant l’oral de l’ENA dans une luxueuse maison en Corse, il et elle sont pétris d’idéaux qu’il leur tarde d’appliquer dans leur future vie professionnelle, une fois passé les quelques formalités d’un concours pour lequel ils se sont sur-préparés. Mais au beau milieu de cet été studieux, un accident va sceller leur destin.
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Il ne faut pas se fier aux toutes premières scènes du film, un peu trop guindées, corsetées, scolaires, comme si le réalisateur et son co-scénariste, Pierre Erwan Guillaume, voulant déballer d’emblée leur programme, s’étaient laissés aspirer par le logiciel de leurs agaçants prétendants. Mais peu à peu, surtout à partir de l’accident qui va les hanter jusqu’au bout, le film trouve son ton. Il s’accorde, au fond, à mesure que ses deux personnages se désaccordent.
Dans la peau de Madeleine
Après une ellipse, on les retrouve lancé·es dans le grand bain de la politique, mais séparément. Madeleine s’affirme alors comme l’héroïne romanesque d’un récit remarquablement écrit et finement mis en scène – et photographiée par le grand Julien Hirsch, qui avait notamment signé en 2011 L’Exercice de l’Etat de Pierre Schœller auquel on pense –, s’épanouissant dans le cabinet d’une députée de gauche, engagée sur le terrain mais bientôt tentée par les sirènes du gouvernement. Emmanuel Bercot donne à cette politicienne rouée une fascinante impénétrabilité, sans jamais sombrer dans la caricature.
Mais c’est surtout la jeune Rebecca Marder (vue chez Leclerc, Lvovsky, Ozon) qui impressionne dans la peau de Madeleine. De pratiquement tous les plans, elle rend crédible le déraillement progressif de cette transfuge de classe hantée par les différentes couches de son passé – les scènes avec son père interprété par Marc Barbé sont à ce titre particulièrement belles –, sa perte de lucidité mais jamais de droiture. Face à elle, Benjamin Lavernhe (Antoine) excelle également en perfide héritier mû par la lâcheté. Et tout ce que ces parcours croisés, où se lisent bien sûr les renonciations de l’époque, peuvent avoir d’archétypal sur le papier, s’évanouit dans leurs interprétations enlevées.
De grandes espérances, de Sylvain Desclous, avec Rebecca Marder, Benjamin Lavernhe, Emmanuel Bercot – en salle le 22 mars
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