Une comédie US un peu bridée par son désir de profondeur psychologique, mais sauvée par le génial Jonah Hill.
.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
S’il vous plaît les comiques, on aimerait bien que vous n’ayez pas tous envie de faire pleurer au moins une fois dans votre vie. John C. Reilly, un acteur que l’on connaît encore mal en France (mais qui a eu droit aux honneurs du Festival de Locarno cet été), choyé par Paul Thomas Anderson et support de nombreuses comédies américaines (chanteur country à la dérive dans Walk Hard – The Dewey Cox Story de Jake Kasdan, demi-frère régressif dans Frangins malgré eux d’Adam McKay), semble avoir cédé à la fameuse tentation.
Mi-Robert Charlebois, mi-saint-bernard des montagnes : son physique un peu difficile à animer le prédispose aux rôles rudes, ours renâclant à sortir de la forêt obscure où s’épanouit son talent bougonnant et qui n’a pas encore rattrapé, en célébrité, les autres yétis de la comédie américaine, Will Ferrell ou Zach Galifianakis. Ici, sa drôle d’allure qui entraîne une attitude existentielle (obtuse et bourrue) est détournée de ses habituelles fonctions comiques pour devenir un problème psychologique en soi : trouver enfin chaussure à son pied.
Dans Cyrus, il est un bon bougre qui, suite à une rupture difficile avec sa femme, cherche à nouveau le grand amour et va devoir affronter un beau-fils hostile. John C. Reilly ne résiste pas tout à fait aux facilités de la comédie dépressive et délaisse trop rapidement les effets comiques, pressé de gratifier son physique de mille nuances insoupçonnées. Si les deux cinéastes qui le parrainent pratiquent la grammaire simplette – conventionnelle à force de traquer les accidents de la scène – d’un certain cinéma indépendant (fixation sur les larmes aux yeux et les silences à tout-va des acteurs), ils ont cependant un goût pour les castings inédits.
Dans le rôle de la double chaussure à son pied, la figure de l’ex-épouse de John C. Reilly est interprétée par Catherine Keener, celui de la fiancée actuelle par Marisa Tomei. Elles incarnent toutes les deux cette vitalité américaine des actrices matures, la première blagueuse, la seconde plus sombre. Présente depuis plus de vingt-cinq ans dans le cinéma, Marisa Tomei, faon angoissé aux yeux trop charbonneux, charme par sa vivacité.
Mais la surprise du film, c’est sans doute Jonah Hill dans le rôle de Cyrus, le beau-fils qui va tout faire pour se débarrasser de son beau-père. Jonah Hill, qu’on connaissait surtout comme gros garçon sympathique (de Superbad de Greg Mottola au tout récent American Trip de Nicholas Stoller) est méconnaissable, retenant au maximum la tentation de la performance pour jouer au compte-gouttes son personnage de dingo de la famille aux yeux cerclés comme un binoclard anxieux. Il vaut mieux s’essayer à la peur qu’aux larmes, donc, c’est ce qu’avait compris Jerry Lewis dans The King of Comedy (Martin Scorsese).
Cyrus de Mark et Jay Duplass, avec John C. Reilly, Jonah Hill, Marisa Tomei, Catherine Keener (E.-U., 2010, 1 h 31)
{"type":"Banniere-Basse"}