Les jambes, évidemment, “des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie” comme l’écrivait François Truffaut dans L’homme qui aimait les femmes. Impeccablement galbées, longues comme des fusées, appel aux fantasmes érotiques les plus débridés, les cannes de Cyd Charisse sont un des fétiches du septième art, […]
Les jambes, évidemment, “des compas qui arpentent le globe terrestre en tous sens, lui donnant son équilibre et son harmonie” comme l’écrivait François Truffaut dans L’homme qui aimait les femmes. Impeccablement galbées, longues comme des fusées, appel aux fantasmes érotiques les plus débridés, les cannes de Cyd Charisse sont un des fétiches du septième art, aussi célèbres que le bassin de John Wayne, la chevelure de Marilyn, les seins de Jane Russell ou la musculature de Schwarzie.
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Cet attribut royal et sa formation de danseuse ont évidemment valu à Cyd Charisse de grimper au firmament des comédies musicales hollywoodiennes, où elle croisa les pas nuageux de Fred Astaire et Gene Kelly, les dieux du genre – “Préférer l’un ou l’autre serait comme choisir entre les pommes et les oranges”, avait-elle déclaré. Mais si l’un de ses premiers rôles marquants fut dans Ziegfeld Follies en 1946, Cyd est passée à la postérité pour Chantons sous la pluie (1952) de Stanley Donen (superbe duo avec Gene Kelly dans une atmosphère volontairement factice de gangster movie) et le trépidant Tous en scène (1953) de Vincente Minnelli, deux chefs-d’œuvre qui furent aussi un chant du cygne de la comédie musicale, genre au sommet dans les années 50 mais vite appelé à disparaître sous les assauts du rock et de la télévision (cette mort et renaissance du musical est d’ailleurs le sujet du Minnelli). En 1954, il y aura le délicieux et déchirant Brigadoon, toujours de Minnelli, toujours avec Gene Kelly, histoire d’amour chantée dansée dont l’artifice des codes n’a d’égal que la profondeur des sentiments et la vérité humaine. En 1957, elle est la tête d’affiche de La Belle de Moscou de Rouben Mamoulian, excellent remake musical du classique Ninotchka de Lubitsch-Garbo.
Il serait injuste de réduire Cyd Charisse à ses guiboles magiques et à ses numéros dansés, de limiter son legs à une fantastique paire de legs. Elle avait aussi un beau visage félin, et si elle est si émouvante dans Brigadoon, ou drôle dans La Belle de Moscou, c’est parce qu’elle était aussi bonne comédienne. Dans l’un de ses plus beaux films, le relativement méconnu Traquenard de Nicholas Ray (le titre original, Party Girl, est tellement plus évocateur), Cyd Charisse danse peu. A la place, elle aime, elle souffre, elle vieillit, en compagnie de son partenaire Robert Taylor, dans les ors et pourpres baroques d’un Technicolor crépusculaire, et c’est sublime. Elle était l’un des derniers témoins du fameux âge d’or hollywoodien et, avec sa disparition, c’est toute une époque qui s’éloigne encore un peu plus de nous vers l’histoire et la mythologie. Le globe sera un peu moins équilibré et harmonieux.
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