Depuis quelques années, Roger Corman reste confortablement installé dans les bureaux de Concorde Productions, Los Angeles, à mégoter son cigare et à concocter quelques films de zombies ou de dinosaures maison. De cette tour de contrôle, le pape de la série B nous a adressé quelques signes : une autobiographie où il explique comment il […]
Depuis quelques années, Roger Corman reste confortablement installé dans les bureaux de Concorde Productions, Los Angeles, à mégoter son cigare et à concocter quelques films de zombies ou de dinosaures maison. De cette tour de contrôle, le pape de la série B nous a adressé quelques signes : une autobiographie où il explique comment il a produit plus de mille longs métrages sans jamais perdre un rond, et un nouveau film, Frankenstein unbound, réalisé en 89. Cette énième variation sur le mythe du Prométhée moderne démontre, de manière irréfutable, que le talent de Corman metteur en scène a ses limites. Curieusement, les meilleures nouvelles de Corman nous sont venues de Tim Burton qui ne cache pas son admiration et sa fascination pour Vincent Price. En particulier pour ses compositions hantées et outrées dans la série des contes d’Edgar Poe mis en scène par Corman au début des années 60. De ce point de vue, la première scène de La Chambre des tortures ne trompe personne : un jeune homme à l’allure empruntée sur un alezan blanc, un château au loin recouvert par la brume, et Vincent Price en précieux dégoûté, témoin ennuyé d’une fin de race, véritable exclu de la vie comme l’étaient Edward ou Beetlejuice, claustré dans un château gothique qui rappelle la batcave de Batman ou la maison de zazous de Pee-Wee. Nous sommes bien sur un territoire qui sera plus tard annexé par le pays imaginaire de Tim Burton. Un film comme Edward aux mains d’argent semble même commencer là où s’arrête La Chambre des tortures : sur le regard hagard et sournois de Vincent Price, désormais marqué par le poids des ans, toujours prisonnier de son château et de ses instruments. La réédition des cinq autres films de la série : Le Corbeau, L’Empire de la terreur, La Chute de la maison Usher, La Malédiction d’Arkham, Le Masque de la mort rouge permet de faire le point sur les goûts cinéphiliques de Burton. Corman est-il un metteur en scène du calibre d’Eugène Lourié ou d’Ed Wood, c’est-à-dire une burne à la psychée déglinguée tenant sa caméra avec autant de grâce qu’un clochard pinté au Picon bière ? Ou une redécouverte sensationnelle dans la lignée d’Edgar G. Ulmer ? Ni l’un ni l’autre. Dominés par une économie de moyens assez flagrante, les Corman/Poe apparaissent aujourd’hui comme la radiographie d’une époque : les tics de Price, son allure de danseur à moitié ivre et ses yeux globuleux, qui inspirent autant le ridicule que la peur, sont autant de rappels à l’atmosphère déliquescente des sixties. A croire que, derrière sa toge noire, Price cache une chemise à fleurs et une réserve de haschisch maison. On se doit donc de conserver une attitude docte vis-à-vis des délires cormaniens : à consommer, mais avec modération.
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