Lorsque le réalisateur mythique et le couple de stars le plus célèbre du cinéma contemporain décidèrent de travailler ensemble, chacun savait qu’il s’engageait dans une longue aventure, pleine de risques et d’inconnues. Tom Cruise et Nicole Kidman en racontent l’excitation et la réussite.
Assis dans le noir, ils n’étaient que tous les deux. Tom Cruise et Nicole Kidman, seuls dans une petite salle de projection de Manhattan en mars dernier, pour visionner Eyes wide shut, le film réalisé par Stanley Kubrick avec les Cruise nus, amoureux et en guerre. Il était minuit passé quand le film fut terminé, mais aucun des deux n’a bougé. Kidman, obligée de ménager sa voix pour le spectacle dans lequel elle joue à Broadway, The Blue room, griffonnait furieusement des petits mots à son mari ; ensuite, ils ont regardé le film une seconde fois.
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« La première fois, nous étions en état de choc, se rappelle Kidman. La deuxième fois, j’ai pensé « Wow ! Il va y avoir de la controverse. » Je suis fière du film et de cette époque de ma vie. C’était mon obsession, notre obsession, pendant deux ou trois ans. »
Deux ou trois ans pour un film ? Etaient-ils fous ? Kubrick était obsédé de perfection, c’est bien connu, et les dix-huit semaines de tournage initialement prévues sont devenues cinquante-deux semaines étalées sur quinze mois. Cruise, l’homme qui à Hollywood vaut 20 millions de dollars, s’est mis hors jeu au sommet de sa carrière, a accepté une diminution de salaire conséquente, a fait venir sa famille en Angleterre, s’est embarqué dans des journées de travail de douze à quatorze heures et a développé un ulcère en chemin.
Mais loin de se sentir otages de la vision de Kubrick, Cruise et Kidman déclarent y avoir plongé, les yeux grands ouverts, bien décidés à partager cette aventure.
« Dès le départ, nous étions conscients du degré d’engagement indispensable, dit Cruise. Nous nous sentions honorés de travailler avec lui. Nous étions décidés à faire tout ce qu’il fallait pour ce film, quel que soit le temps nécessaire, parce que je sentais et Nic aussi que cela allait être une période très spéciale de notre vie. Nous savions que cela allait être difficile. Mais je m’en serais voulu de ne pas l’avoir fait. »
Quelques heures après la projection, Cruise, depuis l’avion qui le ramenait au domicile du couple à Sydney, en Australie, où il prépare le tournage de Mission : impossible 2, téléphone à Kubrick. « Stanley était tellement excité. Nous avons parlé pendant quatre ou cinq heures », raconte Cruise. Quatre jours plus tard, on lui téléphone pour lui apprendre la mort de Kubrick. « J’ai dit « Non, c’est impossible », raconte Cruise. Ensuite, la seconde ligne a sonné, c’était Nic qui appelait de New York. Elle était vraiment ébranlée. Je me suis fait du souci pour elle. J’étais en état de choc. »
Même aujourd’hui presque quatre mois plus tard, lors de cette interview , ni Cruise ni Kidman ne peuvent parler de Kubrick sans que leur voix ne se casse. Au départ, Kubrick craignait que Cruise et Kidman prennent des airs de stars de cinéma. Mais tous les trois le prétendu reclus phobique et les deux stars glamoureuses sont devenus incroyablement proches pendant le tournage d’Eyes wide shut. Bien que les deux stars aient des calendriers de tournage à Sydney bien remplis ce mois-ci et des anniversaires à fêter (elle a eu 32 ans en juin, il a fêté son trente-septième anniversaire la semaine dernière), ils avaient très envie de parler de Kubrick.
« Nous sommes si fiers du film, mais nous avons une impression bizarre quant à son succès, dit Kidman. Stanley était toujours dans les parages. Et maintenant il n’est plus. »
Dès 1995, Kubrick a commencé à faire des propositions à Cruise après que Sydney Pollack, son ami de longue date qui a produit le film La Firme avec Tom Cruise, lui a assuré que la jeune star n’était pas un sale gosse. Cruise a d’abord pensé que Pollack, qui finalement apparaît lui aussi dans le film, se moquait quand il lui a demandé son numéro de fax pour le passer à Kubrick. Mais rapidement, se souvient Cruise, ils se sont mis à « s’envoyer des fax régulièrement, sans jamais vraiment parler du film, mais d’avions et de caméras ». Un an après, Kubrick a envoyé un fax à Kidman pour lui proposer de jouer dans le film avec son mari. « Je n’ai pas eu besoin de lire le scénario, dit Kidman. Je me moquais de connaître l’intrigue de départ. Je voulais travailler avec Stanley. »
Lorsque Kubrick, dont on connaît la phobie des voyages, invita le couple dans sa maison située dans la campagne anglaise, ils ont été surpris de trouver un chef de famille chaleureux, et non pas l’ermite bizarre dont parlait la presse. Cruise et Kubrick, tous deux pilotes (même si Kubrick ne voulait plus jamais voler de sa vie), se sont retrouvés à discuter des effets de l’aviation sur la Seconde Guerre mondiale. « Stanley n’était pas comme nous le pensions. Il était très ouvert », dit Cruise.
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