Au Festival de toronto, présentation du nouveau David Cronenberg : une nouvelle réflexion éblouissante sur l’identité, qui prolonge et appronfondit « A History of Violence ».
Présenté en première mondiale au Festival de Toronto, le nouveau long métrage de David Cronenberg, Les Promesses de l’ombre, est un chef-d’œuvre absolu, qui confirme la souveraineté du cinéaste canadien dans le paysage du cinéma mondial, et aussi son aisance à transformer les scénarios des autres en films éminemment personnels. Les Promesses de l’ombre, écrit par Steven Knight, scénariste de Dirty Pretty Things de Stephen Frears, n’en demeure pas moins un prolongement surprenant des thèmes de A History of Violence. La complexité des personnages et de leurs relations, la profondeur des situations sont mises en scène avec une apparente limpidité et une virtuosité invisible, comme si les conceptions classique et moderne du cinéma parvenaient à coïncider dans un seul geste cinématographique. Si Lynch a opté pour une approche expérimentale de son art, Cronenberg parvient à concilier des films narratifs, commerciaux et une fidélité absolue et sans compromis à sa conception à la fois ironique, charnelle et cérébrale du cinéma comme exploration de l’être humain. Comme dans A History of Violence, Cronenberg se livre à une réflexion sur la vérité et les apparences, proposant le mensonge et la simulation comme formidables moteurs romanesques, le besoin de s’inventer une autre identité pour devenir soi-même, l’excitation d’être un autre et de s’introduire dans une communauté étrangère. Ce n’est plus le corps qui semble préoccuper Cronenberg dans ses deux derniers films, mais la question de la mémoire et de l’identité. Dans A History of Violence et Les Promesses de l’ombre, films presque jumeaux, Cronenberg explore la relation entre réalisme cinématographique et création fantastique. Le dilemme s’incarne ici dans l’histoire d’une jeune infirmière d’origine russe qui va pénétrer, à l’occasion d’une enquête sur une mineure morte en donnant naissance à son bébé, dans l’univers terrifiant de la mafia russe londonienne et découvrir un monde de monstres qui relève davantage du fantasme érotique que de la réalité, même si le film est bien sûr parfaitement crédible et documenté. Les codes du western, du mélodrame et du film noir sont ici non pas transcendés mais enrichis par les éternelles obsessions de Cronenberg sur la confusion sexuelle, le mariage du plaisir et de la souffrance, le conflit entre la chair et l’esprit, qui trouvent à nouveau en Viggo Mortensen une incarnation parfaite. Mais la dimension shakespearienne de tragédie familiale, les références bibliques et la noirceur du sujet font des Promesses de l’ombre un film plus grave, moins ludique que A History of Violence. Le film réserve, entre autres surprises, l’un des plus violents combats au corps à corps de l’histoire du cinéma, au cours duquel Viggo Mortensen, nu comme un ver à l’exception des nombreux tatouages religieux qui couvrent sa musculature reptilienne, affronte deux tueurs tchétchènes venus l’égorger dans un bain public. Brutal, sanglant, le nouveau film de Cronenberg recèle aussi une douceur et une tendresse insoupçonnées, à l’image de son magnifique dernier plan, une image de paix qui vient conclure un conte noir hanté par le meurtre, la trahison et l’asservissement de l’homme par l’homme. Au Festival de Toronto, on a pu également découvrir, dans la section “Midnight madness”, les nouveaux films de deux maîtres de l’horreur. L’absolument illogique, peut-être indéfendable mais très divertissant Mother of Tears de Dario Argento, est l’ultime volet de sa trilogie consacrée à la sorcellerie, dans lequel le cinéaste italien retrouve une partie de son délirant panache, mais pas la beauté de Suspiria (1977) ou Inferno (1980). Asia Argento, une nouvelle fois en mauvaise posture entre les mains de son père, évolue avec grâce au milieu de sorcières et de démons décidés à semer la pagaille dans les rues de Rome. Diary of the Dead de George A. Romero est lui aussi un retour aux sources, celles du cinéma militant et à tout petit budget tel que le pratiquait le cinéaste à l’époque de La Nuit des morts vivants en 1968. Bâti autour de l’idée d’un film dans le film, Diary of the Dead ne manquera pas de réjouir les amateurs de zombies cannibales en liberté avec des scènes “gore” toujours aussi impressionnantes, mais s’impose surtout comme le film le plus théorique et expérimental de Romero, que l’on ne peut s’empêcher de comparer, dans son projet esthétique et ses intentions, à l’admirable Redacted de Brian De Palma (lire compte rendu sur le Festival de Deauville).
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