Après Luc Ferry et plus récemment Diane Keaton, c’est au tour du distributeur français Stéphane Célérier (Mars Films) de prendre la parole pour défendre Woody Allen.
Alors que les revendications d’abus dans l’industrie cinématographique sont omniprésentes dans les médias depuis le scandale Weinstein, le magazine Le Point a choisi hier d’étudier le banc des accusés sur lequel Woody Allen est assis depuis 26 ans. Jamais déclaré coupable par la justice, le réalisateur n’a pourtant jamais cessé d’être accablé, au point aujourd’hui de voir la sortie de son prochain film A rainy day in New-York menacée depuis le témoignage face caméra de sa fille Dylan Farrow. Rares sont ceux qui se sont manifestés en faveur du réalisateur, si ce n’est récemment Diane Keaton, son ex-compagne qui a défendu sur Twitter celui qu’elle désigne comme son « ami » en qui elle « continue de croire« . En France, les témoignages se font aussi timides. Après l’ancien ministre de la culture Jack Lang lui aussi sur Twitter, c’est le distributeur français Stéphane Célérier qui s’est positionné en faveur de son collaborateur et ami Woody Allen.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Prise de position, mais avec précaution
Pour devancer les (très) éventuelles réprimandes, Stéphane Célérier, cofondateur et PDG de la société Mars Films qui distribue Wonder Wheel (depuis hier à l’affiche), précise sa pensée dans sa tribune parue dans Le Point ce matin. Il est en effet très délicat sur ce genre d’affaire de soutenir un parti sans être accusé d’enfoncer l’autre.
« je tiens a préciser que je considère la
pédophilie comme l’un des crimes les plus monstrueux qui
soient (…) Et, bien entendu, je rends hommage a tous les mouvements actuels de libération de la parole pour le respect des femmes »
« Les faits et rien que les faits »
Sur deux pages, le distributeur défend corps et âme le réalisateur Woody Allen, dont il distribue les films depuis de dix ans. Il affirme avoir lui même lu, et regardé des témoignages sur les crimes dont est accusé le réalisateur de 82 ans.
Célérier décrit une sombre histoire de famille, qui doit en rester une tant que rien n’a été prouvé. Il regrette que l’affaire Allen, qui traîne depuis 26 ans, resurgisse maintenant et soit donc associée au mouvement des femmes et hommes ayant été victimes d’abus dans un cadre professionnel, à qui on a enfin donné la possibilité de s’exprimer et de réclamer justice.
Même si Allen est un personnage public et issu du milieu cinématographique, les accusations publiques dont il est victime ne sont pour Célérier pas comparables à celles des victimes de Weinstein et autres prédateurs d’Hollywood, allant même jusqu’à être une « preuve d’opportunisme sans vergogne » et à « bafouer la dignité des -véritables- victimes ».
Après énumérations des nombreux détails qui ont mené le procureur a abandonner les poursuites en 1993, Célérier déplore le comportement de certains acteurs et actrices vis à vis de son réalisateur bien-aimé, pointant peut-être du doigt Timothée Chalamet ou Kate Winslet à propos de leurs récentes déclarations sur Woody Allen.
« Il est fascinant et atterrant d’entendre des actrices et des acteurs transformer Woody Allen en M le Maudit. Soit ils sont manipulés et n’ont pas conscience de la portée de leurs propos, soit ils sont absolument cyniques et cherchent à exploiter la frénésie médiatique actuelle pour se donner bonne figure, ce serait qui plus terrible encore. »
Il est rejoint sur ce point par Pierre Murat du journal Télérama, qui affirmait également cette semaine que Rebecca Hall, Greta Gerwig, Jessica Chastain et Timothée Chalamet ont par leurs actes et propos « nié ce qui fait la force de toute démocratie : la présomption d’innocence ».
« Le tribunal populaire des réseaux sociaux »
Ce qui semble beaucoup ennuyer Stéphane Célérier, c’est également le flot d’affirmations, jugements et condamnations envoyés à tort et à travers du web, constituant pour lui une véritable menace pour la vraie justice à l’heure où n’importe quel individu est en mesure d’exporter son avis au monde entier, pouvant ainsi porter préjudice à « un être humain qui n’a jamais fait l’objet d’aucune condamnation« . Célérier demande, sans grand espoir, la retenue des médias et internautes face à une telle affaire.
« A une époque où l’outrance et la diatribe se substituent à l’analyse, où la rapidité d’exécution passe pour une vertu, où le tribunal populaire des réseaux sociaux se charge de rendre une justice expéditive, je suis bien conscient que ma requête est quasi illusoire. »
Les recommandations du distributeur n’auront pas permis à Woody Allen d’éviter un démarrage décevant au box-office français lors de ces dernières vingt-quatre heures. Wonder Wheel, visiblement victime de boycott, récolte en effet le plus bas nombre d’entrées (20 147 sur 264 copies) depuis vingt ans si l’on remonte l’historique de la carrière de son réalisateur. Mauvais timing pour Mars Film, également distributeur de D’après une histoire vraie du contesté Roman Polanski sorti en novembre dernier, que seulement 110 940 Français sont allés voir en salle.
Distributeur = juge et parti ?
La position économique de Stéphane Célérier lui permet-elle d’avoir un jugement objectif sur l’affaire ? D’autant plus que dans sa tribune, le distributeur n’hésite pas à témoigner son admiration personnelle pour le réalisateur avec qui il travaille depuis dix ans, en précisant cependant que cela ne constitue pas un argument de défense et en ayant conscience de l’ambiguïté de son statut :
« Il semble aujourd’hui compliqué, voire impossible, d’être convaincu de l’innocence de Woody Allen sans susciter de violentes réactions qui m’accuseront de sacrifier la cause des femmes sur l’autel d’intérêts économiques »
Bien-sûr que l’on peut douter des motivations de celui dont la réussite financière va dépendre du nombre d’entrées que fera Wonder Wheel en France, mais on peut tout même considérer cette prise de position très argumentée en faveur du réalisateur à qui plus personne ne dit I love you.
https://www.youtube.com/watch?v=NLY1NRBC_4g&t=14s
{"type":"Banniere-Basse"}