Les réalisateurs d’I Love You Phillip Morris proposent un film creux fondé sur un scénario retors. Peut mieux faire.
I Love You Phillip Morris, le premier film de John Requa et Glenn Ficarra, était un brillant traité de superficialité à la gloire de Jim Carrey, la parfaite démonstration que, sous le masque du bouffon, ne se trouve qu’un autre masque et sous ce masque encore un masque, et ainsi de suite jusqu’à l’absurde.
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La réussite du film, à la lisière du cynisme, tenait principalement au génie de son acteur, capable d’insuffler de la croyance envers et contre tout, capable même, dit-on, de faire pousser de l’herbe on the moon.
Hélas, la petite mécanique tourne à vide dans Crazy, Stupid, Love. Pire : à l’épreuve de la comédie chorale, elle apparaît rouillée, ses engrenages trop abîmés pour extraire un peu d’émotion, autre que frelatée, de personnages maltraités par les jeux de l’amour et du hasard.
Soit Steve Carell, quadra dépressif et tout juste divorcé d’avec Julianne Moore (totalement transparente), qui trouve en Ryan Gosling le parfait coach en séduction, avant que celui-ci ne décide de raccrocher lorsqu’il tombe amoureux d’Emma Stone (absolument charmante, mais sans rien à jouer).
La mise en scène clipesque de Requa et Ficarra (travellings à gogo et transitions chiadées), qui glissait si bien à la surface du visage de Carrey, apparaît ici boursouflée, soulignant la vacuité de l’ensemble.
La caméra trouve cependant un meilleur appui sur la dégaine frimeuse de Gosling (très drôle en mauvais génie de la drague, faisant preuve d’une autodérision qu’on ne lui connaissait guère) que sur celle de Carell, empêtré dans son habituel rôle de Calimero grimaçant, incapable de dégoter un vrai bon rôle depuis 40 ans, toujours puceau – ne l’aurait-on pas un peu surestimé ?
Cet écart entre les deux personnages principaux, l’un en papier glacé l’autre en buvard, dit bien l’essence du cinéma de Requa et Ficarra, sa réussite et ses impasses : reluisant à l’extérieur, creux à l’intérieur.
Crazy, Stupid, Love clame le titre. Si l’amour est certes une folie, il ne rend pas obligatoirement bête, et c’est cela, au fond, qui agace ici : l’impression de voir des pantins tenus par des fils épais et gluants, se cognant les uns contre les autres en dépit de toute intelligence, par la simple nécessité d’un scénario roublard.
C’est toute la différence entre la haute couture discrète d’un James L. Brooks et le prêt-à-filmer criard d’une paire de cinéastes que l’on est tout de même curieux de voir évoluer.
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