Un regard honnête sur l’évolution libérale du monde, et la difficulté à faire coïncider ses actes et ses idées.
Enraciné dans le territoire de la Belgique et de l’émission Strip-Tease – pour laquelle Benoît Mariage a longtemps travaillé –, Cowboy est un peu le pendant désenchanté et adulte du méchamment potache C’est arrivé près de chez vous. Toujours près de chez vous mais loin de son personnage culte d’histrion sadique, Benoît Poelvoorde est ici Daniel Piron, réalisateur placardisé, dévolu aux spots ringards de la sécurité routière, en pleine crise de la quarantaine. Piron était un jeune réalisateur gauchiste plein d’illusions, et il a le sentiment d’être devenu tout ce qu’il détestait. Pour regagner l’estime de lui-même, il décide de réaliser son film : retrouver, trente ans après, les protagonistes d’un hold-up de bus scolaire par un jeune homme poursuivant des objectifs politiques et sociaux. Mais le monde a changé : les anciens otages se fichent de ce drame ancien (et finalement sans graves conséquences), l’ex-braqueur Robin des Bois est devenu gigolo, et la chaîne qui emploie Piron ne veut pas financer son projet. Benoît Mariage distille un regard honnête sur l’évolution libérale du monde, la ringardisation de certaines postures radicales, sans oublier la difficulté à faire coïncider ses actes et ses idées : il faut voir comment Piron, empli de sa réthorique gauchisante, traite ses deux assistants comme des esclaves, manipule certains aspects de la fabrication de son film ou encore fait la leçon aux prolétaires qu’il filme, les méprisant ainsi inconsciemment. Cowboy montre un faux tournage de faux documentaire mais est nourri de réalité : le fait divers, attesté par des archives télévisées, les quartiers déshérités de la Belgique profonde, sans oublier un possible parallélisme entre la crise de Piron et la situation de Poelvoorde tournant ici un petit film belge à contenu après une série de pantalonnades grand public à gros budget. Il est dommage que Cowboy soit formellement aussi terne, à l’image d’un pays avec parfois “un ciel si gris qu’un canal s’est pendu” (Brel), austérité cependant contrebalancée par un certain humour et par l’énergie des comédiens (Poelvoorde, Melki, ou le remarquable François Damiens, une découverte). Ce que montre le film n’est en tous cas pas indifférent : le monde a changé en pire, une forme d’idéalisme moralisateur n’est plus opérante, mais il est recommandé de se bouger encore, à son niveau, car la politique commence peut-être par balayer devant la porte de son moi.
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