La vie estivale d’un village troublée par d’incessants menus larcins. Un film noir sous la canicule.
Il fait chaud, cet été, dans le petit village de carte postale dont la tranquillité est perturbée par la sécheresse, et aussi un peu par Josef, le fils des Gitans, légèrement retardé, qui fait pétarader sa petite voiture aux heures creuses et fiche la trouille aux vaches.
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Après Barrage et Avant l’aube, Raphaël Jacoulot poursuit sa radiographie du territoire français, confirme sa prédilection pour les intrigues de roman noir qui ajoutent au cahier des charges du suspense l’étude psychosociologique d’un lieu, d’une communauté. Avec un vrai sens du récit, de la montée en tension et de la dialectique entre ce qui est montré et caché au spectateur, Jacoulot tricote une pelote adroite entre la débilité débonnaire de Josef, une suite de petits faits divers aussi désagréables que d’origine mystérieuse (on vole la pompe municipale, des outils chez le menuisier…), et le portrait patient de la communauté villageoise (le maire, l’épicier, la fermière forte en gueule, l’artisan nouvellement arrivé, les jeunes qui s’ennuient… tous excellemment joués par des comédiens de première bourre).
Les villageois finissent par soupçonner Josef de toutes les avanies de cet été caniculaire. De son côté, le spectateur s’interroge. Josef est vraiment bizarre et imprévisible, frustré sexuel, kleptomane, littéral idiot du village. Mais il existe aussi des rivalités entre agriculteurs. Et puis le nouveau menuisier n’a pas toujours l’air très net. Jacoulot lance des pistes sur le ou les coupables potentiels mais veille à toujours maintenir le spectateur dans l’incertitude morale quant à chaque protagoniste.
Coup de chaud convoque en filigrane les films de chaleur (La Poursuite impitoyable, La Fièvre au corps, Canicule…), les films de communauté perturbée (Les Inconnus dans la ville, Le Corbeau, 38 témoins…), et si on pense souvent à une certaine tendance ancienne du cinéma français d’observation sociale, la dernière partie nous a semblé plutôt langienne, avec son questionnement moral et sa perturbation de ce qu’on avait vu auparavant, ou cru voir.
S’il a parfois la main de l’écriture un peu lourde (l’insistance sur la chaleur), s’il n’est pas un inventeur de formes, Raphaël Jacoulot s’affirme comme un très solide fabricant de films noirs, prenants, complexes, qui savent aussi regarder cette part de la France contemporaine moins visible, celle qui vit loin des villes.
Serge Kaganski
Coup de chaud de Raphaël Jacoulot, avec Jean-Pierre Darroussin, Karim Leklou, Carole Franck, Grégory Gadebois, Isabelle Sadoyan (Fr., 2015, 1 h 42), en salle le 12 août
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