Un prof homosexuel dans un village tchèque. Un film d’une belle épaisseur lyrique.
Remarqué il y a trois ans avec son deuxième long métrage, Something Like Happiness, le réalisateur tchèque Bohdan Sláma propose un cinéma modeste et généreux, peu soucieux d’afficher une pose auteuriste couleur locale, mais scrupuleusement recentré sur ses personnages, son beau, son principal souci. Country Teacher confirme indéniablement son talent à faire exister des individus pour ce qu’ils sont, complexes, non représentatifs, et à les accompagner, avec une bienveillance et une honnêteté rares, dans leurs cheminements personnels. Un prof de sciences naturelles venu de la ville s’installe dans un petit village de campagne. Son arrivée suscite quelques interrogations. On observe sa nouvelle vie, discrète et rêveuse, avec une douce distance : on le perd souvent de vue pour le redécouvrir planqué dans le paysage, endormi au sommet d’une meule de foin.
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La question de son intégration ne se pose pas vraiment. Il boit des coups avec des gens du coin et sympathise avec une fermière un peu plus âgée que lui, vivant seule avec son fils adolescent. Progressivement, des liens se tissent et les élans affectifs de ces solitaires s’expriment, selon des temps et des mouvements divergents (spontanés ou réprimés), affolés par la direction indiquée par leur boussole intime : Petr aime secrètement, douloureusement, le fils de Marie, elle-même émue, puis blessée par la présence de cet homme qui l’éconduit. Jamais Sláma ne fait de l’homosexualité le sujet du film, les personnages ne sont en aucun cas un prétexte à aborder un thème, ni envisagés comme des figures, mais plutôt considérés comme des êtres à part entière, tiraillés entre leurs désirs et le monde.
Tout l’enjeu, humain et cinématographique, sera alors de trouver un mode de cohabitation entre ces deux pôles. On note la belle utilisation des différentes couches de l’espace – des sous-sols aux hauteurs – comme différentes strates affectives dont la mise en scène tire son épaisseur lyrique. Malgré ses maladresses finales (quelques gouttes d’eau qui font légèrement déborder le vase), on reste impressionné par la tenue et l’intelligence mélodramatique de Country Teacher, qui déploie délicatement et vaillamment son récit, sa violence contenue et son explosion, et nous maintient quasiment de bout en bout dans une émotion vive, jamais plaquée, toujours en mouvement. En un mot, féconde.
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