Par le réalisateur de L’Etrange Noël de Monsieur Jack, une pure merveille de noir de conte de fées, où l’animation traditionnelle n’a rien de conservateur.
A la question “où va le cinéma ?”, il n’y a guère de réponse donnée. Mais on constate avec plaisir qu’il sait faire des pirouettes ou reculer pour mieux avancer. Le cinéma d’animation chemine ainsi, fait cohabiter chapelles techniques, old school ou révolutionnaires, traits et pixels vers un même idéal : donner la vie. Cette année, on a vu (et verra) des propositions contrastées, sous les crayons enchantés d’Hayao Miyazaki (Ponyo sur la falaise) ou les calculs d’ordinateurs joueurs de Pixar (Là-haut).
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Avec Coraline, on peut difficilement faire plus rétro : le film convoque la vision en relief (astuce hollywoodienne pour ramener périodiquement les spectateurs dans les salles) et la centenaire animation image par image. Cette dernière technique, Henry Selick l’avait déjà portée à une acmé avec L’Etrange Noël de Monsieur Jack où, associé à Tim Burton, il déployait une belle poésie sélénienne à coups de poupées morbides.
Selick trouve encore ici le complice parfait en matière de conte de fées piégé : Neil Gaiman. Le scénariste (la BD culte Sandman) et romancier (Stardust, bien adapté au cinéma) est un Charles Perrault rock’n’roll sachant doser merveille et vitriol. Dans Coraline (adapté de son roman), la fillette-titre trouve une porte secrète dans la maison où elle et ses parents viennent de s’installer. Porte qui mène vers un monde miroir carrollien, où tout paraît meilleur : les parents, soudain plus attentifs, répondant à ses moindres désirs, ou les voisins, plus intéressants. Passée une première heure où elle (et le spectateur) s’en prend plein la vue, le beau tableau s’effrite subtilement et Coraline doit en découdre. Le film est une pure prouesse, impressionne par les nombreux détails cousus main de son univers forain-gothique (voir la parade de souris). L’animation image par image, de Ray Harryhausen aux studios Aardman, pince une corde plus intime du spectateur. Avec ses reliquats (humains) de saccades dans les mouvements, elle revient aux rêves de gosse, où les jouets s’animaient dans sa chambre, à la terreur des mouvements contre nature du monstre de Frankenstein. La vision en relief ajoute une dimension tactile, où l’on tendrait le bras vers les figurines.
Enfantin certes, le film n’est jamais puéril, par ses manières sinistres de tordre le réel ou de dépeindre la solitude taille fillette. D’assumer à la fois la grisaille quotidienne et les couleurs trop séduisantes de l’imagination. Coraline est surtout un film très féminin, aux garçons et papa falots. Où, pour échapper à sa mère, une héroïne courageuse suit un tunnel ombilical pour tomber entre les griffes d’une autre maman, trop bonne pour être vraie (et doublée par la desperate housewife Teri Hatcher). Coraline gratte bien la famille dans ses plaies. Rien de plus normal pour un univers où tout n’est que suture, mondes parallèles, corps déchirés et boutons cousus en place des yeux des personnages.
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