La loi de la pesanteur. Copland joue la carte du réalisme et met à mal le statut de ses stars. Avant d’être rattrapé par sa propre lourdeur. C’est, disions-nous un jour dans les colonnes de cet hebdomadaire, toujours pour que rien ne change qu’Hollywood innove. Copland est l’exemple presque parfait d’une logique poussée à l’absurde. […]
La loi de la pesanteur. Copland joue la carte du réalisme et met à mal le statut de ses stars. Avant d’être rattrapé par sa propre lourdeur.
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C’est, disions-nous un jour dans les colonnes de cet hebdomadaire, toujours pour que rien ne change qu’Hollywood innove. Copland est l’exemple presque parfait d’une logique poussée à l’absurde. Pour tourner, la machine a besoin d’une injection de nouveauté, d’une reproduction de la force de travail par l’apport répété d’une nouvelle main d’oeuvre. A ce titre, le cinéma indépendant américain est devenu essentiellement un laboratoire de recherches pour l’industrie, une étape initiatique dont la durée de vie est d’ailleurs de plus en plus brève. Le fait même qu’un jeune cinéaste en arrive, dès son deuxième film, à diriger Stallone, De Niro, Keitel et Liotta en dit long sur l’emballement du système, sur l’affolement d’un mécanisme qui doit concilier l’innovation avec la programmation.
Le script de Copland part d’une situation riche en potentialités. De nombreux policiers new-yorkais se sont installés dans une banlieue pavillonnaire du New Jersey, loin de la violence de la ville. La densité de flics a fait ironiquement surnommer l’endroit Copland. La bourgade est, en fait, devenue un monde à part, régi par ses propres lois. Harvey Keitel est le chef occulte de la communauté ; Stallone est le shérif officiel du patelin. Atteint d’une très symbolique semi-surdité, il est manipulé et méprisé par les habitants. De Niro est un inspecteur de la police des polices bien décidé à démasquer le fonctionnement corrompu de Copland (la mafia qui a favorisé l’achat des maisons est derrière tout ça). Le premier film de James Mangold s’appelait Heavy. Justement, c’est bien la lourdeur qui caractérise son second. Non pas une lourdeur stylistique (il est correctement réalisé, sans plus) mais la lourdeur des corps et la pesanteur des actes. Stallone est bedonnant, De Niro moustachu, Keitel vulgaire, l’apathie « beauf » désigne la mentalité des personnages. Avec la lenteur inouïe de son récit, le film s’attache à la description convaincante d’une banalisation de la lâcheté, d’une corruption molle, d’une résignation généralisée. Bref, c’est de la Loi, du Mal et de la veulerie ordinaire dont nous parle Mangold. Mais ce qui est remarquable ici, c’est la façon dont le cinéaste s’amuse littéralement à casser l’aura des stars embauchées, caractères sans qualité englués dans un réalisme sans horizon. Copland surprend donc par la forme quasi archaïque (en tout cas loin de l’hystérie actuelle du cinéma d’action) d’un récit par ailleurs rempli de trous (mais qu’importe). Tout ceci rend d’autant plus impardonnable la faute de goût qui consiste à restituer la fusillade finale dans un interminable et ridicule ralenti. Ce climax était d’autant plus attendu que la progression vers celui-ci s’était faite avec une mollesse intéressante. De quoi permettre au spectateur de s’interroger sur son propre investissement psychologique. Avec ce procédé, le cinéaste brise le réalisme strict de son film et en fait une oeuvre passablement bâtarde.
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