De ce programme de 48 mn consacré au maître de l’animation russe Garri Bardine - comprenant deux courts, Conte pour la route (1981) et Hop là badigeonneurs ! (1984) plus spécialement destinés aux enfants en bas âge -, nous retiendrons plutôt la curieuse adaptation du conte de Perrault, Le Chat botté. Le réalisateur plonge la […]
De ce programme de 48 mn consacré au maître de l’animation russe Garri Bardine - comprenant deux courts, Conte pour la route (1981) et Hop là badigeonneurs ! (1984) plus spécialement destinés aux enfants en bas âge -, nous retiendrons plutôt la curieuse adaptation du conte de Perrault, Le Chat botté. Le réalisateur plonge la trame originale dans la boue noire et épaisse de la Russie. Perdu au milieu d’un no man’s land, le personnage central, Karabassov, se soûle à la vodka avec trois copains de beuverie. Le seul horizon encore possible semble vertical, puisque du ciel bleu un avion balance à la va-vite quelques colis humanitaires. C’est de l’un d’eux, enroulé dans un drapeau des Etats-Unis, que surgit l’autre héros du conte, le chat. Et celui-ci va lui faire le coup du rêve américain, sous des allures faustiennes, lui proposant de fuir le marasme postcommuniste par les cieux, tel Icare, pour émigrer vers les USA. On ne sera pas surpris d’apprendre que lors de sa diffusion à la télévision russe, les nationalistes ont crié au patriotisme bafoué. Car le personnage de Karabassov est plutôt chargé. A part boire, gratter sa balalaïka et attendre que les choses lui tombent d’en haut, il est totalement passif, dominé par l’Américain, qui tire la couverture à lui. Une fois installé sur le trône, reconnu comme maître absolu par les seules actions du chat, il devient infect et hostile à son égard. Mais à y regarder de plus près, Karabassov n’est en fait qu’un misérable pantin que le chat s’amuse à manipuler à loisir, comme le riche aime à avoir son pauvre. L’animal se démène avec la distance posée que permet l’opulence, et lorsque Karabassov fera preuve d’ingratitude, d’un coup de baguette magique, le chat, lassé de son jouet et vexé, le renverra illico le nez dans sa bourbe natale. Ainsi, les contours du positif et du négatif ne sont pas aussi nets qu’il y paraît. Magnifiquement animés et mis en lumière, les personnages et les décors sont fabriqués à partir de pâte à modeler. Progressant par déplacements géographiques et glissements temporels ils chuteront avant d’atteindre les USA dans la France duXVIIème siècle , Garri Bardine joue aussi sur l’incompréhension fondamentale entre les deux peuples, ayant refusé de sous-titrer les échanges russo-américains des deux compères, le sens restant parfaitement compréhensible pour le spectateur. Ce Chat botté est un vrai petit bijou d’animation politico-masochiste.
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