Avec un palmarès tourné vers le multiculturalisme, l’édition 2020 du festival de cinéma indépendant américain s’est achevée sur une note résolument politique.
Célèbre festival de cinéma indépendant américain, Sundance est aussi, on le sait moins, un festival international. Et il se trouve qu’il accueillait cette année une sélection française conséquente (six films en tout), dont plusieurs membres ont été récompensés au palmarès.
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Mignonnes tout d’abord, premier long métrage de Maïmouna Doucouré, est reparti avec le prix de la meilleure réalisation, confirmant le statut de “Sundance baby” de la réalisatrice franco-sénégalaise : elle y avait déjà gagné le prix du meilleur court métrage en 2016 avec Maman(s) (également César 2017), avant de recevoir une aide du Sundance Institute pour l’écriture du long.
Extension de son court, Mignonnes montre la fascination qu’exerce, sur une adolescente de 11 ans, élevée en banlieue dans une famille sénégalaise traditionnelle (et polygame), un groupe de gamines plus “libérées” qu’elle. Très classique dans son approche du sujet (la difficulté pour une jeune fille à trouver son identité, à la croisée d’injonctions contradictoires), Doucouré nourrit son récit d’une touchante authenticité et d’un regard féministe. Le film sortira en France en avril, tandis que Netflix a mis la main sur les droits monde.
“Signes” dans l’Atlas marocain
Egalement à cheval entre deux cultures, la cinéaste franco-marocaine Sofia Alaoui marche sur les traces de Maïmouna Doucouré, puisque son Qu’importe si les bêtes meurent, a été élu meilleur court métrage (par un jury dont faisait notamment partie Cindy Sherman, classe). Audacieux et maîtrisé, son film est un petit-cousin de Signes, qui imaginerait les effets de l’arrivée d’extraterrestres non plus sur un prêtre et sa famille, mais sur un berger pieux (et musulman) de l’Atlas.
Deux autres coproductions françaises ont été lauréates (le franco-iranien Yalda, la nuit du pardon de Massoud Bakhshi ; Epicentro du documentariste autrichien Hubert Sauper), soulignant la vitalité de notre système de financement, à l’heure où la réforme promise du CNC, d’une main de caoutchouc dans un gant de crin, pourrait l’abîmer.
Du côté des indés US, qui composaient évidemment l’essentiel des 118 longs métrages montrés à Sundance cette année, c’est comme prévu Minari qui a fait carton plein, remportant le grand prix et le prix du public. Une combinaison peu fréquente qui ouvre la voie à un succès massif pour un cinéaste, Lee Isaac Chung, jusqu’ici cantonné au parcours festivalier (ses trois premiers longs métrages ne sont ainsi jamais sortis en France).
Tel un Miyazaki en live action, avec ses paysages bucoliques, ses enfants polissons, son rythme indolent et ses petits plats qui donnent l’eau à la bouche, Minari est un émouvant récit d’immigration d’une famille coréenne en Arkansas – lui aussi, donc, aux confins de deux cultures. En cette année électorale, le message politique du palmarès est on ne peut plus clair.
Une épopée barrée en 144 fois 140 signes
Mais notre film préféré de tous, hélas reparti bredouille, s’intitule Zola. Réalisé par Janicza Bravo, il s’agit de l’adaptation d’une tweet story racontant, en 144 fois 140 signes, le sale week-end d’une strip-teaseuse de Detroit embarquée pas tout à fait de son plein gré dans une aventure sordide en Floride.
D’une inventivité et d’une drôlerie folles, le film est un trip à la Spring Breakers mâtiné de Queens et d’American Honey — un bonbon acidulé qui crépite sous la langue, et auquel on a très envie de goûter à nouveau.
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