D’Aldrich à Zinnemann, l’essentiel des cinéastes américains a répondu aux questions d’Eric Leguèbe. Utile mais scolaire. II nous arrive de jeter un coup d’œil au hit-parade désuet des critiques que s’obstine à publier Pariscope : dans le dernier, Eric Leguèbe, critique ciné du Parisien depuis trente ans, accordait trois étoiles Judge Dredd et une seule […]
D’Aldrich à Zinnemann, l’essentiel des cinéastes américains a répondu aux questions d’Eric Leguèbe. Utile mais scolaire.
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II nous arrive de jeter un coup d’œil au hit-parade désuet des critiques que s’obstine à publier Pariscope : dans le dernier, Eric Leguèbe, critique ciné du Parisien depuis trente ans, accordait trois étoiles Judge Dredd et une seule à La Cérémonie. La pertinence de pareils choix critiques ne laissait pas augurer de la qualité du présent ouvrage qui, malgré les défauts inhérents à toute compilation de ce genre, constitue un bon outil de consultation pour les amateurs de cinéma américain.
De 1966 à 1994, Leguèbe a interviewé plus de soixante-dix réalisateurs, d’AIdrich à Zinnemann, et les principaux intérêts du livre sont son exhaustivité et la rareté de certains entretiens. S’il est facile de trouver en français de passionnantes interviews de Fritz Lang ou de Samuel Fuller, il est beaucoup plus ardu de dénicher en un volume des propos de cinéastes comme De Toth, Litvak ou Siodmak. A ces figures un peu oubliées du vieil Hollywood vient s’ajouter toute une pléiade de réalisateurs qui ont connu leur heure de gloire à la fin des années 60 avant de sombrer dans un oubli parfois injuste. Par exemple, les déclarations modestes et sensées du très mésestimé Robert Mulligan (Un Eté 42, L’Autre) à propos de la télévision comme réservoir de jeunes talents tranchent sur les propos passéistes de la majorité des interviewés. En effet, la plupart des « vieux » metteurs en scène ne résistent pas à la tentation de jouer les pleureuses sur les thèmes habituels de la pornographie triomphante et du western qui n’est plus ce qu’il était. Andrew V. MacLaglen se distingue par sa bêtise en affirmant que seul Lawrence Kasdan a su égaler le bon vieux western d’autrefois avec Silverado. Présent dès la couverture, John Wayne est, avec John Ford, l’idole absolue de tous les cinéastes interrogés. Cette double admiration, certes justifiée, est révélatrice de la pensée unique qui traverse tout le livre: gloire à ceux qui ont servi loyalement leur industrie en faisant rentrer les dollars. Il est symptomatique qu’un cinéaste aussi fascinant que Monte Hellman se voit accorder la portion congrue (une demi-page !), et encore est-ce seulement pour parler de Peckinpah.
Le reproche qu’on peut faire à Leguèbe est la formulation trop lapidaire de ses questions. En ne relançant pas suffisamment ses interlocuteurs et en se contentant d’idées trop générales, il aboutit à un résultat qui pèche par son uniformité. A de trop rares exceptions près (Welles, Kazan…), le discours personnel est quelque peu formaté et finit par se diluer dans l’ensemble. Enfin, il serait absurde de s’amuser à relever les quelques erreurs qui se glissent inévitablement dans ce genre d’ouvrages, mais il en est une qu’on ne peut laisser passer : page 157, Leguèbe écrit « A l’inverse de la plupart des grands du cinéma américain, Jules Dassin, en 1950 quitte l’Amérique pour l’Europe. » Il omet juste de préciser que Dassin, victime de la chasse aux sorcières, a préféré l’exil et le sacrifice de sa carrière plutôt que d’avoir à choisir entre dénoncer ses amis ou croupir en prison. Dans un livre aussi utile qu agréable à consulter, ce genre « d’oublis » fait désordre.
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