Un chauffeur de taxi adepte de la théorie des complots confie régulièrement le fruit de ses investigations délirantes à une jeune procureur au ministère de la Justice dont il est secrètement amoureux, et qui écoute ses élucubrations sans leur accorder le moindre crédit. Dans ses premières minutes, le nouveau film de Donner éveille la curiosité […]
Un chauffeur de taxi adepte de la théorie des complots confie régulièrement le fruit de ses investigations délirantes à une jeune procureur au ministère de la Justice dont il est secrètement amoureux, et qui écoute ses élucubrations sans leur accorder le moindre crédit.
Dans ses premières minutes, le nouveau film de Donner éveille la curiosité du spectateur par la relative opacité de son exposition et surtout par la récupération d’un des grands films américains des années 70, Taxi driver de Martin Scorsese. Portrait d’un homme fruste et obsessionnel, idéalisation de la femme aimée, en icône inaccessible, psychose de l’assassinat politique, tout y est. Très condensée dans le prologue, cette influence se dilue peu à peu dans ce qui se révèle être un banal thriller d’action sur la mode des complots. Ces citations ne permettent évidemment que de mesurer le fossé pas seulement qualitatif qui sépare le cinéma de Scorsese de celui de Donner et de Joel Silver, son producteur. Un cinéma du rendement maximal, qui méprise la gratuité, où le moindre détail doit faire sens, même si le résultat final est abracadabrant.
Les grands cinéastes cinéphiles (Scorsese et De Palma) ont pu construire un film, voire une oeuvre, à partir d’une scène matricielle (le meurtre de Psychose pour ne nommer que la plus évidente). Donner injecte dans Complots des éléments de films connus afin de lui attribuer une identité cinématographique immédiatement repérable. Exemple : lorsque Mel Gibson est kidnappé et subit la torture chimique du docteur Jonas, Richard Donner utilise tous les trucs grand angulaire et distorsions focales employés par John Frankenheimer, qui donna avec Seconds ou The Mandchurian candidate ses lettres de noblesse à la politique-fiction paranoïaque des années 60. Deuxième partie de l’exemple : au milieu du film, lorsque le docteur Jonas dévoile à Julia Roberts l’existence d’une société secrète qui conditionnait des tueurs en leur lavant le cerveau, celle-ci s’exclame « Comme dans The Mandchurian candidate ! » Un renvoi pas très élégant qui confirme que si le dernier film de Richard Donner est indigeste, c’est parce que lui-même digère mal.