Alors qu’un reboot indigeste de « Power Rangers » est sorti sur les écrans mercredi dernier, retour sur cet objet culte de la pop culture qui a rendu totalement accro les enfants des années 90.
En 1993, le producteur israélo-américain Haim Saban voit juste en rachetant les droits d’une série télé japonaise destinée aux enfants : Super Sentai. Le 28 août, la chaîne américaine Fox Kids diffuse le tout premier épisode de la saga des Power Rangers. La même année la série débarque en France sur TF1, dans l’émission pour enfants « Le Club Dorothée ».
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
https://www.youtube.com/watch?v=8b9j1ojwS8M
Si elle diffère de son homologue japonais, la franchise occidentale conserve la même trame scénaristique que l’originale : une bande d’ados en costumes colorés (rouge, bleu, vert, rose, jaune et plus tard noir et blanc) luttent contre les forces du mal. Souvent construits sur une mécanique identique, les épisodes mettent en scène les cinq Rangers armés jusqu’aux dents (mégazords et gadgets en tout genre) en pleine bagarre contre des monstres grotesques en papier-mâché et autres bouffons robotisés. On pourrait résumer la fameuse formule de la franchise ainsi : un peu de Dragon Ball Z, une poignée de Star Wars et beaucoup de Bioman (une autre série télé japonaise parodiée par Les inconnus dans un sketch hilarant) doublé d’une goût prononcé pour le burlesque.
La série est un triomphe et elle connaîtra par la suite de nombreuses saisons télévisuelles (Mighty Morphin Power Rangers, Mighty Morphin Alien Rangers, Power Rangers Zeo, jusqu’à Power Rangers: Ninja Steel diffusée sur Nickelodeon en janvier 2017) ainsi que deux adaptations sur grand écran : Power Rangers en 1995 et Turbo Power Rangers en 1997.
Aujourd’hui encore, l’entrain suscité par l’univers hyper kitsch des karatékas n’a apparemment pas faibli. Alors qu’une nouvelle transposition modernisée (les collants lycra ringards ont fait place aux armures hyper-puissantes), des Rangers vient de paraître sur les écrans (et soulève déjà une vive indignation tant du côté des fans que de celui des critiques), nous avons lancé un appel à témoin, via Twitter, et recueilli quelques témoignages pour tenter de répondre à une question simple : comment les bonhommes colorés ont marqué pour toujours la génération des nineties ?
Héros de tous les jours à guerriers balaises
Dans la famille des super-héros, les Rangers, loin de la surpuissance d’un Superman, se rapprochent plus d’un personnage comme Spider-Man, héros malgré lui, fort et vulnérable à la fois. Dans la cour de récré, s’imaginer régler une fâcheuse affaire de bonbecs, en invoquant son avatar coloré, était fréquent. C’est de ce sentiment d’identification dont se souviennent avec nostalgie les fans de l’époque.
David, né en 1988 en plein « club Dorothée », passé à côté de Dragon Ball Z pourtant « la série phare de l’époque », n’avait lui, « d’yeux que pour les Power Rangers » :
« J’étais absolument fasciné à l’époque par cette bande d’ados aux super-pouvoirs, cette sorte d’Avengers sur écran avant l’heure. Enfant plutôt bon élève et introverti, je m’identifiais beaucoup à l’époque de la première saison au personnage de Billy, le ranger bleu. Plutôt réservé et maladroit comme je l’étais à l’époque, il était néanmoins capable d’être un vrai héros et de battre les méchants une fois son costume enfilé. Cette bande de jeunes représentait aussi pour moi une forme d’utopie amicale. »
Pour Fabien aussi les souvenirs de la saga le ramène à une période encore incertaine de son enfance. Et si sous les Power Rangers se cachait un roman d’apprentissage 2.0?
« A l’époque, je n’étais pas un garçon avec plein de convictions, d’assurance comme je dois l’être aujourd’hui. J’étais un garçon plein de doutes. Et d’une certaine manière regarder ‘Power Rangers’ m’a aidé à grandir. Je pourrais en parler des heures je pense, tellement la série m’a marqué intérieurement. J’ai grandi avec les ‘Power Rangers’. La série a évolué en même temps que moi et malheureusement, il est arrivé un moment où la magie ne fonctionnait plus. »
Thomas, lui se souvient de son goût pour les bagarres mais surtout de son attachement à cette bande d’amis « volant dans les airs » :
« Pour moi c’était vraiment l’idée d’équipe qui me plaisait. Avec mon frère et des copains on s’amusait à sauter partout dans le jardin de mes grands parents en mimant les Power Rangers. Je me souviens aussi qu’on avait les jouets : la lance tricératops du Ranger bleu, l’épée du t-rex du rouge et le sabre du tigre blanc. J’aimais surtout la série parce que dans le fond c’est l’histoire d’un groupe d’amis combattants qui sautent dans les airs. »
« Un énorme bol de Frosties avec du bon lait bien frais »
« Quand je regardais ça, je devais avoir entre 6 et 8 ans : regarder la télé le matin en se levant était ce qu’il y avait de plus important, juste après s’être servi un énorme bol de Frosties avec du bon lait bien frais. » se rappelle Jérémie. Comme lui, plus que le souvenir des véritables intrigues des épisodes, Thibaut évoque la série en liant ces précieux visionnages au rituel du mercredi matin : « J‘ai grandi au début des années 1990 et si mes souvenirs de cette époque sont flous je me rappelle très bien mes mercredis matins devant Power Rangers. J’étais souvent obligé de faire perdre du temps à ma nounou de l’époque dans l’espoir de voir le ou les épisodes du jour. En effet, il se trouve que la jeune femme qui me gardait respectait un emploi du temps assez strict du style « 30 minutes de télé et puis 30 minutes de balade » donc je m’arrangeais pour que la demi-heure consacrée à l’écran coïncide avec la diffusion de Power Rangers ! C’était tout un art mais quand j’arrivais à mes fins, quel plaisir. »
De la Madeleine au fétichisme
Pour beaucoup d’adeptes, la série constitue aujourd’hui une véritable « Madeleine de Proust ». Il arrive à David, par exemple de revoir avec un plaisir « incommensurable les premières saisons sur Netflix » qu’il n’avait pas revu depuis plus de vingt ans : « Les Power Rangers restent ma ‘Madeleine de Proust’ ultime. Revoir cette série m’a littéralement ramené dans le temps, avec un bonheur incroyable. »
Plus qu’une simple récupération modernisée d’un objet de la pop culture par les studios Hollywoodien, la saga semble fasciner toujours autant les enfants du monde entier. Car si les Power Rangers se regardent, ils se collectionnent aussi. Le 5 avril, Le Monde publiait sur son site internet une interview de la directrice générale de Bandai France, le constructeur japonais des jouets dérivés de la franchise. On y apprenait alors que les figurines à l’effigie des Rangers suscitaient, toujours, chez les plus jeunes, une vive passion. Un art de la collection que les fans de la série revendiquent encore aujourd’hui.
Pour Thibaut, les jouets accumulés durant toutes ces années représentent de véritables reliques : « Mon obsession pour ces robots est telle que je les demandais en cadeau dès que je pouvais.! » De même pour Fabien, 25 ans, dont la série représente « une grande partie de [son] enfance ». Il ajoute : « Il me reste encore une caisse pleine de jouets Power Rangers que je ne jetterais pour rien au monde. »
La face cachée de l’iceberg
Enfin si beaucoup se rappellent de la série comme d’un pur moment de divertissement excitant, Baptiste, 23 ans, lui, qui comme tout bon fan qui se respecte possédait « une figure du Power Ranger blanc« , voit surtout dans la franchise un tremplin qui lui fit découvrir tout un pan de la pop culture geek japonaise :
« Quand j’étais tout jeune à la fin des années 90, la série passait régulièrement à la télévision, et mes parents m’avaient acheté Power Rangers, le film (1995). Ca faisait partie de ces films live pour enfants qu’on regardait en boucle jusqu’à ce que la cassette VHS ne fonctionne plus. Bien plus tard, je me suis intéressé aux précurseurs japonais comme Kamen Rider, je les trouve même un peu plus authentiques, notamment par leur manque de budget encore plus flagrant, qui amène souvent des bricolages d’effets spéciaux encore plus fous. Power Rangers fait partie de l’ensemble des produits culturels importés qui font qu’une énorme partie de notre génération en occident a beaucoup de facilités avec la pop culture japonaise. »
https://www.youtube.com/watch?v=JJCnFgFeGpg&t=2836s
De même pour Thibaut, « absorbé par l’aspect complètement répétitif des scénarios et des cascades » qui se souvient surtout de sa fascination pour « les gros robots – ou Zords, dans le jargon – qu’utilisent les Power Rangers. C’est tout un pan de la culture japonaise et plus tard de ce qu’on appellera la culture geek, qui était offert aux gosses que nous étions. Vous aimez les gros robots, en voilà cinq, qui s’assemblent pour donner naissance à un robot plus gros encore ! Le pied quoi« .
{"type":"Banniere-Basse"}