Devant l’hégémonie totale de Netflix, Disney, HBO et Universal comptent enfin concurrencer le géant américain sur le marché du streaming.
Cette année encore, Netflix a poursuivi son irrésistible ascension sur le marché du divertissement. Car si le modèle de vidéos en streaming délivrées directement au consommateur figure comme l’évolution la plus importante de l’économie du divertissement depuis des décennies, c’est en grande partie grâce au géant américain. Une révolution que la plateforme a organisée de manière triomphante alors que, rappelons-le, elle ne propose un contenu original que depuis six ans. « L’univers des médias n’a jamais évolué aussi rapidement – nous n’avions pas vu ce type de changement au cours des 40 à 50 dernières années« , explique dans Variety Jessica Reif Cohen, analyste média chez Bank of America Merrill Lynch
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Mais bien au delà de son modèle économique, Netflix a réécrit les règles de la négociation télévisuelle et cinématographique, de la programmation télévisuelle, des sorties de films et des campagnes marketing. Pour rattraper la fusée Netflix, les médias américains doivent donc réinventer une partie de leur modèle commercial et agir vite avant que les mastodontes de la Silicon Valley que sont Amazon, Facebook, Apple et Google ne s’insèrent à leur tour sur le marché de la plateforme de streaming et ne laissent plus aucune place aux concurrents. C’est ce que révèle le magazine américain Variety dans un article publié la semaine dernière.
Disney en route vers le streaming ?
Disney, la plus grande société de divertissement au monde, a pour sa part révélé, par la voix de son PDG Bob Iger, que lancer son service de streaming DTC (Direct-To-Consumer) sera « la plus grande priorité de l’entreprise au cours de l’année 2019« . Sauf que ce changement drastique de modèle économique ne se fera pas à moindre coût et à moindre risque. Pour créer leur propre plateforme, Disney et les autres devront investir des milliards de dollars tout en renonçant à la quasi-totalité des revenus des licences traditionnelles dont ils bénéficiaient. Par exemple, Disney devra faire une croix sur les 300 millions de dollars de revenus annuels qu’elle tire actuellement de Netflix pour les droits de diffusion de ses sorties en salles. Exit donc les droits de diffusion en 2019 sur le catalogue titanesque du studio (Star Wars 9, Captain Marvel, Toy Story 4, Dumbo, La Reine des Neiges 2).
Grâce à ses exclusivités extrêmement fortes, Disney pourra pour autant susciter l’intérêt du public pour son service. Bob Iger a également révélé que le prix de l’abonnement serait inférieur aux 8 à 14 dollars par mois de Netflix. Un prix qui reflète avant tout le désir de Disney de proposer un programme qui ne se distinguera non pas par son « volume » mais par sa « qualité » déclare Iger.
Malgré tout, ce bouleversement laisse certains dubitatifs. C’est le cas de l’analyste Todd Juenger de la société Bernstein Research qui déclare, toujours à Variety avoir du mal « à voir comment Disney peut simultanément réaliser cet investissement tout en réduisant son effet de levier (technique destinée à multiplier les profits et les pertes, ndlr). Nous craignons qu’ils sous-investissent dans le produit DTC » et qu’ils lancent une plateforme que « les consommateurs jugeraient insuffisante » poursuit l’analyste. Ce serait donc quitte ou double pour Disney.
Les autres concurrents : HBO et Universal
Autre grande figure du divertissement, la chaîne HBO s’est quant à elle introduite dans l’arène du streaming dès 2015. Avec plus de 5 millions d’abonnés aujourd’hui, le média a signalé via son directeur général, John Stankey, son intention de susciter un plus grand engagement auprès de ses abonnés. Si certains ont vu dans cette déclaration un signe de la volonté de Stankey de voir HBO devenir plus populaire dans sa programmation, le directeur a nié toute intention de changer radicalement la grille des programmes du service. Le défi de la chaîne HBO étant de « s’élargir sans perdre en qualité« , explique-t-il.
De son côté, le groupe de médias Comcast (propriétaire de NBC, Universal, DreamWorks) souhaite également se positionner sur le marché du DTC après une première tentative ratée en 2016-2017 avec Seeso. Proposant notamment le Saturday Night Live, The Tonight Show et d’autres programmes d’Universal, pour 4 dollars par mois, la plateforme n’avait pas vu son nombre d’abonnés suffisamment augmenter et avait dû fermer à la fin de l’été dernier. Aujourd’hui, Comcast est en concurrence avec Fox et Disney pour racheter une partie de l’opérateur européen Sky. L’utilisation de l’infrastructure de Sky pourrait grandement aider à créer une plateforme de contenu DTC mondiale. Il y aurait également des rumeurs qui circulent sur le développement par Comcast d’un service de streaming qui offrirait aux téléspectateurs une sorte de système de points permettant de regarder des épisodes de séries télévisées de la chaîne avec de la publicité.
Le cas Hulu
La chaîne Hulu occupe pour sa part une place unique sur le marché. Fournisseur de séries originales dont le phénomène The Handmaid’s Tale, le service a connu une croissance rapide, atteignant 20 millions d’abonnés en mai dernier, contre 17 millions à la fin 2017. Contrairement à Netflix et Amazon, Hulu offre également aux utilisateurs la possibilité de regarder ses programmes avec ou sans publicités (8 dollars/ 12 dollars par mois). Autre paramètre à noter, après l’acquisition de la Fox, Disney pourrait détenir une partie d’Hulu et ainsi récupérer toute la base de données de la chaîne qui vise un public jugée « plus adulte ».
Ted Sarandos, le responsable du contenu de Netflix n’est lui ni surpris ni découragé par le fait que de plus en plus d’acteurs cherchent à s’immiscer sur le marché de Netflix. « C’est un moment très excitant dans l’entreprise. Tous ces changements dans toutes ces sociétés de médias sont phénoménaux à regarder, en tant que concurrent et en tant que fan du produit », déclare-t-il. Devant les actions pour l’instant inefficaces de ses concurrents, c’est évidemment un moment « excitant » pour Sarandos et Netflix. Reste à savoir si le règne de la plateforme durera encore longtemps.
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