Réalisateur de clips de renommée mondiale, Edouard Salier a tourné dans l’île Cabeza madre, une fiction qui existe sous deux formes, série et long métrage.
Il a envoyé le chanteur de Metronomy sur Mars (I’m Aquarius, 2013) et balancé le son de Justice dans un désert de ruines (Civilization, 2011). Réalisateur de clips réputé, le Bordelais Edouard Salier s’est formé aux arts graphiques, discipline qui a modelé son rapport à l’image.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Des multiples collaborations avec des musiciens aux publicités pour Nike ou Smirnoff en passant par les essais expérimentaux Flesh et Empire, ses vidéos s’ébrouent en excroissances numériques et se distordent en artefacts visuels, figurant des univers à la fois technologiques et primitifs en perpétuelle recomposition.
Son histoire d’amour avec Cuba n’est pas nouvelle
Mais le vidéaste a toujours eu la fiction cinématographique en ligne de mire, étape franchie avec Cabeza madre, premier long métrage à la genèse étonnante. S’il cherche un distributeur pour les salles obscures, Edouard Salier avait à l’origine conçu ce projet pour répondre à un appel de Studio+. L’application de séries courtes souhaitait diffuser des programmes en langue espagnole pour toucher un public international.
Désireux de relever le défi, l’homme a posé valises et caméras à La Havane. Son histoire d’amour avec Cuba n’est pas nouvelle. Née au début des années 2000 au fil de tournages avec Orishas, premier groupe de rap latino, elle s’est prolongée avec la réalisation d’Habana en 2014, court métrage dystopique en noir et blanc lauréat de nombreux prix en festivals.
Mais pas question, pour le cinéaste, de retracer un sillon déjà parcouru : “Je voulais vraiment aller à l’opposé de mon court, faire quelque chose dans une veine plus classique et colorée. Et surtout, ne pas passer pour le touriste qui enchaîne les films à Cuba en y projetant tous ses fantasmes !”
Des personnages inspirés des Cubains rencontrés dans l’ïle
Pour résonner le plus finement possible avec le pouls de l’île, la production a constitué une équipe de techniciens locaux, à l’exception des chefs opérateurs et décorateur. “Pour le casting, je me suis inspiré des personnages hauts en couleur que j’avais rencontrés au fil de mes différents voyages à travers le pays. Le seul élément hétérogène était Clifton Collins Jr., qui interprète le rôle principal. Compte tenu des relations diplomatiques entre les deux pays, confier à un Américain le premier rôle d’un film tourné entièrement à Cuba était une première !”
Choix cependant évident au regard du récit, qui balade à travers l’île un Américain décidé à retrouver la tête de sa mère cubaine, mère qu’il n’a jamais connue, et dont la morgue ne lui a présenté qu’un corps amputé. Au fil de son enquête en marabout-bout-de-ficelle, John se heurtera à l’inertie de la bureaucratie locale, mettra le pied dans un nid de gangsters à la petite semaine et détricotera la toile complexe de ses origines.
Le polar se colore d’humour noir, goûte aux sortilèges vaudous comme au karaoké populaire, et s’équilibre en un mélange un peu halluciné des genres. “Pendant l’écriture, j’avais en tête les romans policiers de Paco Ignacio Taibo II, mais aussi le réalisme magique des films de Bigas Luna, confie Edouard Salier. Mais je pense que Cabeza madre est avant tout un film très cubain, notamment au niveau de l’humour.”
“Les autorités nous ont demandé d’enlever toutes les références à Cuba !”
La conception du long métrage ne s’est pourtant pas faite sans accroc : “A la première lecture du script, les autorités nous ont demandé d’enlever toutes les références à Cuba ! Au final, le nom du pays n’est jamais prononcé, le fond politique est atténué et les décors ont été choisis pour éviter les fresques et affiches identifiables. L’accès à internet étant très limité sur l’île, il a fallu organiser les opérations à l’ancienne. La mort de Fidel Castro, survenue juste à la fin des prises de vue, planait comme une épée de Damoclès au-dessus du tournage. Après le clap de fin, le pays a été paralysé pendant dix jours…”
Si on découvrira d’abord Cabeza madre dans le format en dix épisodes pour lequel l’œuvre a été commandée, la forme long métrage est particulièrement chère à son réalisateur. Il lui cherche actuellement une distribution en salle.
Cabeza madre A partir du 6 juillet sur Studio+ dans son format 10 × 10 mn
{"type":"Banniere-Basse"}