Variation sur la genèse de Moby Dick, avec quelques scènes de chasse à la baleine d’une grande puissance plastique.
En 1850, le jeune écrivain Herman Melville (Ben Whishaw) arrive sur l’île de Nantucket, au large de La Nouvelle-Angleterre. Il vient y rencontrer un ancien pêcheur de baleine, Thomas Nickerson (Brendan Gleeson), sur qui il compte pour lui raconter l’histoire du baleinier Essex, qui, trente ans plus tôt, sombra corps et biens, poursuivi et attaqué sans pitié ni relâche par un cachalot tout pelé. D’abord rétif, le vieil homme commence son récit.
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Il y a plusieurs films dans le nouveau film de Ron Howard, dont certains sont plus réussis que d’autres. D’abord, plutôt rigolote, la ligne psychanalytique : Nickerson, le témoin des faits, boit parce qu’il n’a jamais réussi à dire à qui que ce soit qu’il avait été un jour contraint de manger de la chair humaine pour survivre… Le dire va le sauver (le film le dit), et il est même près, à la fin du film, de redonner à Melville l’argent qu’il lui a demandé pour raconter les mésaventures de l’Essex…
Il y a le film de pirates sans pirates…
Autre fil, moins habile, le récit psychologique, qui fait, comme dans la plupart des films hollywoodiens, avancer l’action par conflits successifs, la plupart du temps artificiels. Il est assez lassant (pour cause de “déjà-vu”) de voir ainsi se constituer des disputes fallacieuses à chaque scène.
Il y a le film de pirates sans pirates, le film de cape et d’épée naval qui met en rivalité classique le noble et le va-nu-pieds, incarnés par deux beaux acteurs aux corps athlétiques (Walker et Hemsworth) qui vont se perdre sur une mer sans fin. Le radeau de La Méduse terrassée par une baleine…
Il y a aussi le film pédagogique, à la fois sur la chasse à la baleine (quasi rossellinienne) et sur l’histoire littéraire. Herman Melville a composé ce chef-d’œuvre de la littérature mondiale qu’est Moby Dick (et non un livre d’aventures pour enfants, comme certains le croient encore en France) en s’inspirant de faits réels.
Ampleur métaphysique
Ils sont admirablement reconstitués, notamment grâce au numérique (Rossellini aimait beaucoup les effets spéciaux, rappelons-le). L’image sépia est un peu laide, mais la puissance effrayante dégagée par les cachalots virtuels rendent parfaitement compte de l’ampleur métaphysique de Moby Dick. Qui est ce monstre ? Pourquoi cette haine contre l’homme ? Melville restait dans le flou, dans l’indicible et c’était génial.
Howard et ses scénaristes esquissent, sans jamais trop insister, une réponse bien de notre temps : celle de la vengeance des animaux contre les hommes qui détruisent toutes les autres formes terrestres de vie que la leur, pour leur propre et égoïste confort. Jamais les personnages d’Au cœur de l’océan, quand ils se demandent pourquoi ce cachalot leur en veut autant, ne songent à la vengeance. Et cette idée de scénario est assez belle.
Au cœur de l’océan de Ron Howard (E.-U., 2015, 2 h 01)
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